Fabbri, Luigi. L’Organisation Anarchiste. Rapport présenté au congrès anarchiste italien de Rome (16-20 juin 1907) et au congrès anarchiste international d’Amsterdam (24-31 août 1907), Antony, éd. du groupe Fresnes-Antony de la Fédération anarchiste, coll. « Volonté anarchiste ,” n°7, Anarchiste, 1979. 44 pp.

TO WILL ANARCHISM

Anarchism, thanks to the large number of its proponents who have used writing on every continent, has a library the importance of which can hardly be estimated.

Throughout their history, the anarchists, in addition to translating the emancipatory aspirations of individuals and peoples into a social alternative, were able to branch out in their activism, participating in a wide variety of social movements.

Thus, the reproduction of past texts would be a sufficient task for a collection. We will do this, but in the process, we will try to engage in the task of updating the anarchist analysis of a society the bases of which have been transformed. The exploitation and domination of man by man denounced in the last century continues to fill the framework of an everyday life which unfolds against a different backdrop, in which capitalism develops without borders thanks to the multinationals, in which the State is dedicated to management, and in which knowledge, equipping technocrats with decision-making power, tends to replace the power of money.

While the primary utility of the collection has to do with the theoretical goals of anarchist knowledge, the militant aspect that motivates its creation must be emphasized. Anarchism must everywhere found its presence on durable bases, in publication, in the cultural domain, in fields of contestation, and especially in the world of work, weaving the meshes of an energetic presence, the net in which we must catch the statist hydra.

The “ANARCHIST WILL” project was launched by a militant group; its objective is to contribute to spreading anarchism, to making it known to your friends, your parents, your coworkers. Interested comrades wishing to present a text to us can write to us. We are also interested in finding distributors; indicate to us points of sale, order booklets from us at a 33% discount starting from 5 copies.

If this work interests you and matches your ideal, subscribe to it; “ANARCHIST WILL” is a new element to be added to our inheritance, placed at the service of the social revolution.

Yours for the social revolution,

The Fresnes-Antony Group.

VOULOIR L’ANARCHISME

L’anarchisme, grâce au large nombre de ses propagateurs gui ont utilisé l’écrit sur tous les continents, possède une biblio­thèque dont l’importance pourrait difficilement être estimée.

Les anarchistes, outre qu’ils ont traduit par une alternative de société l’aspiration à l’émancipation recherchée par les individus et les peuples, ont su participer au cours de l’his­toire par leur bras volontaire de militants à de nombreux mou­vements sociaux.

Une collection pourrait donc aisément se suffire à la repro­duction de textes du passé. Nous le ferons mais tout en tentant de participer par l’édition au travail de réactualisation de l’analyse anarchiste d’une société qui s’est transformée sur ses bases. L’exploitation et la domination de l’homme par l’homme dénoncées au siècle dernier remplissent tou­jours le cadre de notre vie quotidienne qui se meut dans un décor différent où le capitalisme effectue un développement sans frontières grâce aux multinationales, où l’Etat s’adonne à la gestion et le savoir tend à se substituer à la puissance de l’argent pour doter les technocrates du pouvoir de décision.

Si l’utilité de la collection est ressentie à des fins théoriques de connaissance de l’anarchisme, l’aspect militant qui préside à sa création doit être renforcé. De partout l’anarchisme doit asseoir sa présence sur des bases durables, dans l’édition, dans les milieux culturels, dans les milieux de contestation et sur­tout dans le monde du travail, tissant ainsi grâce aux mailles d’une présence énergique le filet dans lequel il faudra enserrer l’hydre étatique.

« VOLONTE ANARCHISTE » est lancée par un groupe mili­tant, son objectif est de contribuer à répandre l’anarchisme, de le faire connaître à vos amis, vos parents, vos collègues de tra­vail. Les camarades intéressés désirant nous présenter un texte peuvent nous écrire. Nous voyons aussi un intérêt dans un circuit de diffusion, indiquez-nous des points de vente, com­mandez-nous des brochures avec 33 % de réduction à partir de 5 exemplaires.

Abonnez-vous si ce travail vous intéresse et rejoint votre idéal, « VOLONTE ANARCHISTE » est un nouvel élément à ajouter à notre patrimoine mis au service de la révolution sociale.

Salut et révolution sociale. Groupe de Fresnes-Antony.

The ANARCHIST ORGANIZATION

LUIGI FABBRI

 

Report presented at the Italian Anarchist Congress of Rome (16 June 20, 1907)

and at the International Anarchist Congress

of Amsterdam (24 August 31, 1907)

 

Text translated from Italian by the Fresnes-Antony Group

L’ORGANISATION ANARCHISTE

LUIGI FABBRI

 

Rapport présenté au Congrès Anarchiste Italien

de Rome (16-20 juin 1907)

et au Congrès Anarchiste International

d’Amsterdam (24-31 août 1907)

 

Texte traduit de l’italien par le groupe Fresnes-Antony

 

 

DEAR COMRADES,

We plan to publish texts on the problem of anarchist organization. Number 1, “Reflections on Anarchism,” by Maurice Fayolle, was already devoted partly to this question. This installment was translated from Italian by our group; the original was expressed in the form of a report to the international anarchist congress of 1907.

More than the question of the need for organization, Fabbri’s text addresses that of the type of organizational structures that the anarchists must give themselves.

One cannot dissociate the question of organization from that of action and propaganda. Organization is an essential means to achieve the goal. Fabbri wrote this text at a time when the Italian and international anarchist movements were prone to displace social concerns in favor of individualistic preoccupations. Social anarchism privileged neither the individual nor the community (composed of individuals) but sought their balance. Individualism was preoccupied with the ego, contrary to Marxism, which interested itself only in relations of force and collectivity.

Individualists who had not encountered Stirner, who explained the origin of the contract by the advantage that each one finds in it (associations of egoists), denied organization as the site of the devaluation of the individual.

A strange self that acquires a value apart from others or by making use of them.

We believe, on the contrary, that individuals develop themselves through mutual aid (cf. Kropotkin), and we share the thought of the Spanish anarchist Ricardo Mella: “Freedom as basis, equality as means, fraternity as goal.”

Yours for the Social Revolution,

The Fresnes-Antony Group.

P.S. – Our financial problems have prohibited us from maintaining the price of 7 F with tax; we have had to increase it to 10 F. We ask you to subscribe before issue #8, when we will put the price of the subscription for 8 issues at 80F and not at 60F.

3

CHERS CAMARADES,

Nous allons publier des textes sur le problème de l’organi­sation anarchiste. Le numéro 1, « Réflexions sur l’anarchisme », de Maurice Fayolle, était déjà consacré en partie à cette question. Ce numéro a été traduit de l’italien par notre groupe, l’original a été exprimé sous forme de rapport au congrès anarchiste inter­national de 1907.

Le texte de Fabbri répond avant tout au problème de la nécessité de l’organisation qu’au type de structures d’organi­sation que doivent se donner les anarchistes.

On ne peut dissocier la question de l’organisation de celle de l’action et de la propagande. L’organisation est un moyen indispensable pour arriver au but. Fabbri a écrit ce texte à une époque où le mouvement italien et international anar-chsite se trouvait en proie à un déplacement des préoccu­pations sociales vers des préoccupations individualistes. L’anar­chisme social ne donnait aucune suprématie à l’individu ou à la collectivité (composée d’individus) mais recherchait leur équilibre. L’individualisme lui se préoccupait du moi à l’inverse du marxisme qui ne jurait que par le rapport de force et la collectivité.

Les individualistes, qui n’avaient pas eu l’occasion de connaî­tre Stirner qui expliquait l’origine du contrat dans l’avantage que chacun y trouve (associations d’égoïstes), niaient l’organi­sation comme lieu de dévalorisation de l’individu.

Etrange moi qui se valorise en dehors des autres ou pour s’en servir.

Nous pensons, au contraire, que l’individu se valorise par l’entraide (v. Kropotkine) et nous reprenons la pensée de l’anar­chiste espagnol Ricardo Mella : « La liberté comme base, l’éga­lité comme moyen, la fraternité comme but. »

Salut et Révolution sociale.

Groupe Fresnes-Antony

P.S. — Nos problèmes financiers ne nous ont pas permis de maintenir le prix de V.A. à 7 F ; nous le passons à 10 F. Nous vous proposons de vous abonner avant le n° 8 où nous mettrons le prix de l’abonnement pour 8 numéros à 80F et non à 60F.

3

 

 

INTRODUCTION

In reprinting the report on Anarchist Organization presented by Luigi Fabbri to the Italian Anarchist Congress in Rome of June 16-20, 1907, and at the International Anarchist Congress of Amsterdam of August 24-31, 1907, published in the same year in Rome, we wanted not only to pay homage to a comrade who, from his youth to his death on June 24, 1935 in Montevideo, Uruguay, fought against capitalism in all its manifestations (authority, religion, oppression, exploitation). We also wanted to recall an important piece of the history of the Italian and world anarchist movements and of the labor movement in general while making one of the fundamental works of the great anarchist thinker available to the youngest comrades. And we wanted in particular to contribute to the solution of a problem that has, in recent years, absorbed the attention of the anarchist “movement” and of those who identify with anarchism. This problem has several times interrupted and blocked the regular development of revolutionary anarchist organizations, preventing them from gathering not so much the fruits of a rational action of propagandist type if not the reactions to the dominant conformism, the process of social-democratization that invested the entire labor movement and the parties that attempt to claim it.

In this way, we are certain to continue the “discourse” developed over the course of many years – up to the constitution of the Italian Anarchist Union in 1920, the program of which was written by Malatesta – by the great thinkers of anarchism who impressed the sign of their action deep within the Italian and international anarchist movements, from Malatesta to Fabbri and Berneri. All their activity moved in the direction of the construction of an anarchist organization with clear ideas and well determined goals, one that is not, on the contrary, torn apart and cut off from any real

5

INTRODUCTION

En mettant sous presse le rapport sur l’Organisation anar­chiste, présenté par Luigi Fabbri au Congrès Anarchiste Italien de Rome du 16-20 juin 1907 et au Congrès Anarchiste Interna­tional d’Amsterdam du 24 au 31 août 1907, publié dans la même année à Rome, nous n’avons pas voulu seulement rendre hom­mage à un camarade qui, de sa jeunesse à sa mort, survenue le 24 juin 1935 à Montevideo, en Uruguay, a lutté contre le capi­talisme dans toutes ses manifestations (autorité, religion, oppres­sion, exploitation). Nous avons aussi voulu rappeler une partie de premier plan dans l’histoire du mouvement anarchiste italien et mondial et du mouvement ouvrier en général en portant à la connaissance des plus jeunes camarades une œuvre fonda­mentale du grand penseur anarchiste. Et surtout apporter une contribution à la solution d’un problème autour duquel se sont concentrées au cours de ces dernières années les attentions du « mouvement » anarchiste et de ceux qui se réclament de quelque façon de l’anarchisme. Ce problème a plusieurs fois bloqué et interrompu le développement régulier de l’organisation révolu­tionnaire anarchiste lui empêchant de cueillir pas tant les fruits d’une action rationnelle de type propagandiste sinon les réac­tions au conformisme dominant, au processus de social-démo­cratisation qui a investi le mouvement ouvrier tout entier et les partis qui prétendent se réclamer de lui.

De cette façon, nous sommes certains de poursuivre le « discours » développé pendant des années et des années — jus­qu’à la constitution de l’Union Anarchiste Italienne survenue en 1920 dont Malatesta écrivit le programme — par les grands penseurs de l’anarchisme qui imprimèrent le signe profond de leur action au sein du mouvement anarchiste italien et inter­national, de Malatesta à Fabbri et à Berneri. Toute leur acti­vité se dirigea dans le sens de la construction d’une organisation anarchiste qui ait des idées claires et des buts bien déterminés et ne soit pas, au contraire, déchirée et amputée de toute réelle

5

power of action by the polemic between organizationalists and anti-organizationalists. An organization that would be in a position to “do something more than what each of us can carry out separately,” because it is necessary to prepare the means to overthrow capital and the State. Here is where the need for anarchist organization presents itself.

The first and most important means is a union that is not chaotic, irregular, local, and fragmented, but coherent and continuous over time and space.

Those who do not even tolerate this moral bond that results from the commitment to mutual aid for a given goal will say that it decreases their individual autonomy, and such may be the case. But absolute freedom and autonomy are abstract concepts; we must return to the facts, to what we really want and can really obtain from this autonomy and freedom.

To get rid of the authority against which we fight, that of the priest, the owner, and the police officer, we must make a minimal, voluntary sacrifice of our individual pride. In order to be able to work with others to remove ourselves from bourgeois and statist violence, even with those who do not have our force and our consciousness, who are not formed by these in the same way as ourselves.

The speech that comrade Fabbri gives in his “Report” is clear; it poses the problem of the strategy and tactics that an anarchist organization must propose if it really wants to destroy the capitalist organization. Substituting for it a “socialist” organization in which work has as its goal the satisfaction of human needs and not profit, in which exploitation of man by man does not exist, in which all the aspects of exploitation and oppression would have been eliminated, whether those of the Western tradition (that of the U.S.A. and its consorts) or the pseudo-communist countries.

To accomplish this, it should not be forgotten that the revolution will not come on its own, like manna from heaven, solely by virtue of the prophetic trumpeting of theoretical propaganda, and even less so from the crash of an isolated bomb.

We cannot “forget that after the revolution, anarchy will not sprout on its own like a mushroom unless it finds organizations adapted to answering the needs of social life and substitutes them for the old organizations that have been destroyed”; and

6

capacité d’action par les polémiques entre organisateurs et anti-organisateurs. Une organisation qui soit en condition de « faire quelque chose de plus que ce que peut réaliser isolément chacun de nous ,” parce qu’il faut préparer les moyens pour renverser le capital et l’Etat, voilà où se présente la nécessité de l’orga­nisation anarchiste.

Le premier moyen et le plus important c’est l’union non cahotique, irrégulière, locale et morcelée, mais continue et conti­nuée dans le temps et dans l’espace.

Ceux qui ne tolèrent même pas ce lien moral qui résulte de l’engagement de s’aider mutuellement pour un but donné, diront que cela diminue leur autonomie individuelle, et cela peut arriver. Mais liberté et autonomie absolues sont des concepts abstraits ; nous devons retourner aux faits, de ce que nous vou­lons réellement et pouvons obtenir de cette autonomie et liberté.

L’autorité contre laquelle nous combattons, celle du prêtre, du patron et du carabinier, mérite bien, pour que l’on s’en débarrasse, que nous fassions un minimum de sacrifice volon­taire de notre orgueil individuel. Afin de pouvoir travailler avec d’autres pour nous débarrasser de la violence bourgeoise et éta­tique, même avec ceux qui n’ont pas notre force et notre conscience, de la même façon que nous nous la sommes formée.

Le discours que le camarade Fabbri tient dans son « Rapport » est clair, il pose le problème de la stratégie et de la tactique qu’une organisation anarchiste doit mettre en avant si elle veut vraiment abattre l’organisation capitaliste. Substituant à cette dernière une organisation « socialiste » où le travail ait comme but la satisfaction des nécessités de l’homme et non, au contraire, le profit, où n’existe pas d’exploitation de l’homme sur l’homme, où auraient été éliminés tous les aspects du sys­tème de l’exploitation et de l’oppression, du traditionnel de type occidental (U.S.A. et consorts) ou pseudo-communiste.

Pour réaliser cela il ne faut pas oublier que la révolution ne viendra pas d’elle-même comme la manne du ciel, seulement par la vertu des trompes de Jéricho de la propagande théorique, et encore moins du fracas d’une bombe isolée.

« II ne faut pas oublier qu’après la révolution l’anarchie ne fleurira pas d’elle-même comme un champignon, si elle ne trouve pas des organismes adaptés à répondre à la nécessité de la vie sociale pour les substituer aux vieux organismes abattus ;

6

there have been cases in which, “for lack of libertarian organizations, the necessities of life” have “prompt[ed] men to restore the authoritarian organizations.”

What can one oppose in fact to this totalitarian world which derives its strength from an authoritarian structure that has withstood the test of centuries, if not an anarchist organization that is able to face it in the historically favorable moments? And what could substitute for the anachronistic capitalist organization, for profit, for wage slavery, the satisfaction of needs for all who contribute their share to the community? Who can indicate, to the disoriented proletariat, the right line to be followed, taking them by the hand if necessary, pointing out their real enemy?

To the armies, to the police force, to the church, to all the bureaucratic apparatus and all those who may find it beneficial to defend this society, it certainly does not suffice to oppose the negative assertion, the claim of an autonomous “ego” which, in reality, does not exist and often becomes an integral element of the “system.”

But something solid and concrete, such as what opposes, for example, Spanish comrades to the mercenaries of the “Tercio” [i.e., Tercio de Extranjeros, the Spanish Foreign Legion, an elite fascist army unit] and the army rabble of Hitler and Mussolini and even to the Russian will which was expressed through the Spanish Communist Party to channel the popular explosion into the impasse of a bourgeois democracy and a patriotic war instead of taking it (in the wake of the Paris Commune of 1871) to its extreme revolutionary consequences.

The lesson of comrades Fabbri, Malatesta, and Berneri is very clear: it remains up to the anarchists, to those who have the future of the movement at heart, to work to build a strong, concrete anarchist organization within which each is held to respect the engagements that he freely assumes within the general framework of the organization’s theoretical orientation and program.

It is only on these conditions that it will be possible to work in a concrete way in the direction of the emancipation of the proletariat from exploitation and oppression.

Otherwise, our protest will be destined to remain sterile in practice, merely an anthem to a freedom that is conquered only by deeds and not by words.

7

et il y a le cas où, par manque d’organismes libertaires, la nécessité de vivre suggère aux hommes de restaurer les orga­nismes autoritaires. »

Que peut-on opposer en fait à ce monde totalitaire qui base sa propre force sur une structure autoritaire éprouvée par des siècles, sinon une organisation anarchiste qui soit capable de l’affronter dans les moments historiquement favorables. Et qui soit capable de substituer à l’organisation capitaliste ana­chronique, au profit, à l’esclavage du salariat, la satisfaction des nécessités de tous ceux qui apportent leur contribution à la collectivité, qui soit capable d’indiquer, au prolétariat désorienté, la juste ligne à suivre le prenant, si nécessaire, par la main, lui indiquant ses vrais ennemis ?

Aux armées, à la police, à l’église, à tout l’appareil bureau­cratique et à tous ceux qui ont des intérêts à défendre dans cette société, il ne suffit certainement pas d’opposer l’affirma­tion négative, la revendication d’un « moi » autonome qui, dans la réalité, n’existe pas et devient souvent un élément intégrant du « système ».

Mais quelque chose de solide et de concret, comme ce qu’opposèrent, par exemple, les camarades espagnols aux mercenaires du « Tercio » et à la soldatesque de Hitler et de Mussolini et voire à la volonté russe qui s’exprimait à travers le P.C. espa­gnol de mener l’explosion populaire dans l’impasse d’une démo­cratie bourgeoise, d’une guerre patriotique, au lieu de la mener (sur le sillage de la Commune de Paris de 1871) jusqu’à ses extrêmes conséquences révolutionnaires.

La leçon des camarades Fabbri, Malatesta, Berneri est très claire : il appartient aux anarchistes, à ceux qui ont à cœur l’avenir du mouvement, d’œuvrer pour construire une organisa­tion anarchiste forte, concrète, à l’intérieur de laquelle chacun est tenu de respecter les engagements qu’il assume librement dans le cadre général de l’orientation théorique et du programme de l’organisation.

C’est seulement à ses conditions qu’il sera possible d’œuvrer de façon concrète en direction de l’affranchissement du prolé­tariat de l’exploitation et de l’oppresion.

Dans le cas contraire, notre protestation sera destinée à rester pratiquement stérile, uniquement un hymne d’une liberté qui se conquiert seulement avec des faits et non avec des paroles.

7

 

 

COMRADES,

For several years, the anarchist movement – having commenced so splendidly within the International – has struggled with an unresolved crisis, especially for want of goodwill between us.

We anarchists, it must be confessed, if we have never been defeated by the persecutions which rain down on us, we have always had a damnable fear of some phantasm that we ourselves have created. We have thoroughly resigned ourselves to being the victims of all the crazies, all the fanatics, all the lovers of hyperbole who, on the pretext of logic, have attempted not only to justify all that they find inconvenient and ignoble among the bourgeois, but to denounce and demolish any work of reconstruction that other comrades attempt, leaving a permanent spectre of incoherence in ideas.

The anarchist idea has individual freedom as its primary basis, but those who have claimed that the individual freedom in anarchy is infinite and absolute would be utopians in the most ridiculous sense of the term, since the infinite and the absolute are abstract concepts, mental configurations barred from any possibility of practical realization. Now, it is always in the name of individual freedom that many anarchists, according to what satisfies them, either proclaim the right to do anything at all, including attacking the freedom and rights of others, or declares as incoherent any attempt at revolutionary realization and organization by propaganda.

We intend to deal here with the objections that are raised to the idea of organization.

11

CAMARADES,

Cela fait plusieurs années que le mouvement anarchiste — ayant commencé aussi splendidement au sein de l’Interna­tionale — se débat dans une crise sans solution, et cela surtout par le manque de bonne volonté entre nous.

Nous, anarchistes, il faut le confesser, si nous n’avons jamais été abattus par les persécutions qui pleuvent sur nous, nous avons toujours eu une peur maudite de quelque phantasme que nous nous sommes créées. Nous nous sommes surtout résignés à êtres des victimes de tous les fous, de tous les extravagants, de tous les exagérés qui avec le prétexte de la logique ont pré­tendu, non seulement justifier tout ce qu’ils trouvaient d’incon­venant et d’ignoble chez les bourgeois, mais d’empêcher et de démolir tout travail de reconstruction que d’autres camarades tentèrent, laissant en permanence le spectre de l’incohérence avec les idées.

L’idée anarchiste a pour première base la liberté indivi­duelle, mais ceux qui prétendirent que la liberté individuelle en anarchie est infinie et absolue seraient des utopistes dans le sens le plus ridicule du terme, puisque l’infini et l’absolu sont des concepts abstraits, des configurations mentales sans possi­bilité de réalisation pratique. Maintenant, c’est toujours au nom de la liberté individuelle que de nombreux anarchistes, selon que cela les satisfasse, ou proclament le droit de faire n’importe quoi et aussi celui de porter atteinte à la liberté et au droit d’autrui, ou déclarent comme incohérente toute ten­tative de réalisation révolutionnaire et d’organisation par la propagande.

Nous entendons nous occuper ici des objections qui sont portées à l’idée d’organisation.

11

One hears it said that organization is a method and not an end; that is an error. The principle of organization is not only propagated because in organizing today, we can best prepare for the revolution, but also because the principle of organization is in itself one of the principal postulates of anarchist doctrine.

In the bourgeois society that Church and State undertake to hold together by means of hierarchy in order to exploit it to their own advantage, the individual will is absorbed and often cancelled out by the social mechanism, which claims to provide for all, and to regulate the life of the individuals of the birth to death. In this society, the organization of which is monopolized by the State and capitalism, the sole conceivable organization is that for the struggle against oppression and exploitation.

But in the society envisaged by anarchists, where there will be neither men nor “providential” institutions, that will be based on the agreement of all individuals in production and association, organization must be extended to the last individual, and each must concur voluntarily in the general harmony. And since the participation of each must be spontaneous, voluntary, free, since without there being coercion, none is without the obligation of solidarity, it is necessary that the consciousness of the need for organization is initially widespread, so that organization means the true satisfaction of material as well as a moral need. For this reason, we say, propaganda for organization must be made without interruption, in the same way as propaganda for all the other postulates of the anarchist ideal.

Just as we criticize the current institutions of the State, the property, the family, in order to advocate the advent of anarchy, communism, free love, we feel the need to attack and criticize the system of authoritarian organization in order to propound the idea of libertarian organization.

When we hear some comrades speak to us of “having done with the worn-out question of organization,” we have the same impression as if one spoke of having done with anarchist propaganda. Unfortunately, we are still far from having convinced the anarchists of the need for libertarian organization: for this reason we do not cease

12

On entend dire que l’organisation est une méthode et non une fin ; c’est une erreur. Le principe de l’organisation n’est pas seulement propagé parce qu’en nous organisant aujour­d’hui nous pouvons mieux préparer la révolution, mais aussi parce que le principe d’organisation en soi est un des postu­lats principaux de la doctrine anarchiste.

Dans la société bourgeoise, que l’Etat et l’Eglise se chargent de tenir unie par la hiérarchie pour l’exploiter à leur avantage, la volonté individuelle est absorbée et souvent annulée par le mécanisme social, qui prétend pourvoir à tout, et régler la vie des individus de la naissance à la mort. Dans cette société dont l’organisation est monopolisée par l’Etat et par le capi­talisme, l’unique organisation concevable est celle pour la lutte contre l’oppression et l’exploitation.

Mais la société préconisée par les anarchistes, où il n’y aura ni hommes ni instituts « providentiels », qui se basera sur le concours de tous les individus à la production et à l’association, aura besoin que l’organisation soit étendue jusqu’au dernier individu et que chacun concourre volontairement à l’harmonie générale. Et puisque la participation de chacun doit être spon­tanée, volontaire, libre, puisque sans qu’il n’y ait de coercition, aucun ne manque au devoir de la solidarité, il faut que soit d’abord répandue la conscience de la nécessité de l’organisa­tion, de façon à ce que l’organisation signifie la satisfaction d’un besoin véritable tant matériel que moral. Voilà pourquoi, selon nous, la propagande de l’organisation doit être faite sans interruption, de la même façon que la propagande de tous les autres postulats de l’idéal anarchiste.

Comme nous critiquons les institutions actuelles de l’Etat, de la propriété, de la famille, pour préconiser l’avènement de l’anarchie, du communisme, de l’amour libre, nous ressen­tons le besoin d’attaquer et de critiquer le système de l’orga­nisation autoritaire pour propager l’idée de l’organisation liber­taire.

Quand nous entendons quelques camarades nous dire « d’en finir avec la question dépassée de l’organisation », nous éprou­vons la même impression que si l’on disait d’en finir avec la propagande anarchiste. Malheureusement, nous sommes encore bien loin d’avoir convaincu les anarchistes de la nécessité de l’organisation libertaire : voilà pourquoi nous n’arrêtons pas de

12

to discuss with them and to make propaganda in the direction that seems to us to correspond to the truth.

And since, as we know, the best propaganda is made through example – propaganda by the deed – we seek to organize ourselves, to constitute groups, to federate ourselves. Our adversaries wait to pounce on us at this point, criticizing our work and the organizations that exist and have existed. Each one of their defects, errors or inconsistencies becomes an effective weapon to fight the idea. They do not realize that errors and defects are inevitable in the details, since there is nothing perfect in the world, and that this in any case does not destroy the general utility of the ensemble, in the same way that the mishaps of life are not a reason to reject life.

Without organization, anarchy is as inconceivable as fire without fuel. And we propagate this idea not only for the reasons that we will state, but because we are equally persuaded that modern minds must be impregnated with its spirit, and especially the minds of the anarchists. Organization for common goals with people of other parties and other ideas is useful, but in order to form an anarchist consciousness, to consider only those who are already anarchist, nothing will do but the organization of the anarchists themselves, who must endeavor to be as libertarian as possible. And the development of a new anti-authoritarian consciousness among us – we for whom anarchism is often limited to a merely doctrinary conviction – consists in this effort to make our organizations genuinely libertarian.

I do not know if we who favor it shall really succeed in building this organization that we wish and overcoming the existing spirit of reluctance toward anything requiring long, patient work. But we want to begin this long, patient work in order not to neglect the powerful means of propaganda that is the attempt and the example. It may be that, despite all of our reasons, many things prevent the emergence of real, durable anarchist organizations, insofar as the anti-organizationalists do not cease to block our efforts.

It may be that one must still continue this depressing labor of Sisyphus, building things up in one place while

13

discuter avec eux et de faire la propagande dans le sens qui nous semble correspondre à la vérité.

Et puisque, comme cela se sait, la meilleure propagande se fait avec l’exemple — la propagande avec le fait — nous cherchons à nous organiser, à constituer des groupes, à nous fédérer. Nos adversaires nous attendent au tournant sur ce point, critiquant notre travail et les organisations existantes et ayant existées. Chacun de leur défaut, erreur ou incohérence devient une arme efficace pour combattre l’idée. Ils ne s’aper­çoivent pas que les erreurs et les défauts sont inévitables dans les détails, puisqu’il n’y a rien de parfait au monde, et que cela du reste ne détruit pas l’utilité générale de l’ensemble, de la même façon que les mésaventures de la vie ne sont pas une raison pour nier la vie.

Sans l’organisation, l’anarchie est aussi inconcevable que le feu sans la matière pour le faire. Et nous propageons non seu­lement cette idée pour les raisons que nous allons énoncer, mais parce que nous sommes aussi persuadés que les conscien­ces modernes doivent s’imprégner de son esprit, et surtout les consciences des anarchistes. L’organisation pour des buts géné­raux, avec des personnes d’autres partis et d’autres idées, est utile ; mais pour former la conscience anarchiste, pour la pré­ciser chez ceux qui sont déjà anarchistes, il n’est adopté que l’organisation des anarchistes eux-mêmes, laquelle doit s’ef­forcer d’être le plus possible libertaire. Et c’est dans cet effort de rendre libertaire l’organisation des anarchistes que consiste l’élaboration de la nouvelle conscience, anti-autoritaire parmi nous, dont l’anarchisme est souvent limité à une conviction seu­lement doctrinaire.

Je ne sais pas si nous, qui en sommes partisans, réussirons vraiment à construire cette organisation que nous souhaitons, et vaincre cet esprit de réticence qui existe pour faire toute chose à laquelle il faut donner un certain travail, long et patient. Mais nous voulons commencer ce travail patient et longue pour ne pas négliger ce fort moyen de propagande qui est la tentative et l’exemple. Il se peut que, malgré toutes nos raisons, beaucoup de choses empêchent l’apparition de véritables organisations anarchistes durables, dans la mesure où le blocage de beaucoup d’anti-organisateurs ne s’arrête pas.

Il se peut que l’on doive continuer encore ce déprimant travail de Sisyphe, de commencer la chose d’un côté, pendant

13

others destroy it elsewhere, as has been the case among us for a few years. I do not know how long it may remain the case that our organizations appear here and there to impel our propaganda, meeting a pressing need, whereas we have a sporadic character. Those organizations which, because they have to be created from nothing, lack the continuity of existence and action, fall more frequently into these specific errors in their youth . . .

Why does this matter? Above all, because of the mere fact that present and past organizations had a short existence due to mistakes made, which are avoided only through experience gained by practice and not merely from concepts learned in pamphlets and newspapers.

We think that even most beautiful and perfect organization is destined for death if its members, as erudite as they may be in theory, remain inert. The good of the organization consists in the fact that, all things being equal, it is preferable that people who have decided on action be organized rather than disorganized. It is natural that an isolated individual who acts is worth more than a thousand inept and disorganized people.

Whether the propaganda needed to make the anarchist organization we believe to be necessary emerge even briefly succeeds or not does not matter, up to a certain point. It will displease us not to succeed because we will not be able to harvest all the fruits which we hope for; but we will have at least propagandized for a concept that is inseparable from the idea of anarchy, we will have sown the seeds that will germinate one day or another. Propaganda for the organization of anarchists will impose itself through the necessity of things; and it will be the merit of this propaganda if the organization becomes our own, and not the damaged goods which our adversaries would have bequeathed us.

The ridicule that greets our attempts thus falls on deaf ears. We already know that, as long as bourgeois society survives, our attempts will not succeed or will turn out imperfect; but this conviction does not make us give up “propaganda by the deed.”

In the end, what is the revolutionary struggle, if not an innumerable series of attempts, of which only one, the last one, succeeds – which would not have succeeded if there had not been the preceding

14

que d’autres la détruisent par ailleurs, comme cela se fait parmi nous depuis quelques années. Je ne sais pas combien de temps pourra durer le fait que nos organisations apparaissent ici et là pour impulser notre propagande, répondant à un besoin pres­sant, alors que nous avons un caractère sporadique. Elles tom­bent alors plus fréquemment dans ces erreurs propres à leur jeunesse, qui se répètent car il leur manque la continuité d’exis­tence et d’action...

Qu’importé ? Avant tout le seul fait que les organisations existantes ou ayant existées ont eu une brève existence, l’ex­cuse des erreurs commises, qui ne s’évitent seulement qu’avec l’expérience acquise par la pratique et non seulement avec les notions apprises dans les brochures et les journaux.

Nous pensons que la plus belle et la plus parfaite orga­nisation est destinée à mourir si ses membres, aussi savants que possible en théorie, restent inertes. La bonté de l’organisa­tion consiste dans le fait qu’à égalité de conditions, il est pré­férable que les personnes décidées à l’action soient organisées que désorganisées. Il est naturel qu’un individu isolé qui agisse vale plus que mille personnes inaptes et non organisées.

Que la propagande pour faire surgir brièvement l’organisa­tion anarchiste dont nous croyons à la nécessité, aboutisse ou non, cela importe jusqu’à un certain point. Il nous déplaira de ne pas réussir parce que nous ne pourrons recueillir tous les fruits que nous espérions ; mais nous aurons au moins fait la propagande d’un concept qui est inséparable de l’idée de l’anar­chie, nous aurons jeté les graines qui un jour ou l’autre ger­meront. La propagande pour l’organisation des anarchistes s’imposera par la nécessité des choses ; et ce sera le mérite de cette propagande si l’organisation devient nôtre, et non une marchandise avariée que nous auraient légué nos adver­saires.

Le ridicule dont on cherche à recouvrir nos tentatives tombe par conséquent dans le vide. Nous savons déjà que, tant qu’il y aura la société bourgeoise, nos tentatives ne réussiront pas ou résulteront imparfaites ; mais cette conviction ne nous fait pas renoncer à la « propagande par le fait ».

Au fond, qu’est-ce que la lutte révolutionnaire, si non une série de tentatives innombrables, dont une seule, la dernière, réussit — qui n’aurait réussi s’il n’y avait eu les précédents

14

failures? In the same way, in terms of organization, we seek to marshal all our forces in order to succeed; each defeat will bring us closer to victory, but each time we look for ways to make a better attempt with a less imperfect result. It will serve to shape consciousnesses a thousand times better than mere doctrinal preaching.

In addition, those who declare themselves enemies of organization are such by habit, because they feel incapable of libertarian solidarity and, at base, do not know how to escape from this dilemma: to command or to be commanded. They have no “libertarian” consciousness and thus they theoretically do not see any other guarantee for individual freedom than isolation, the lack of any pact and any freely accepted bond. In practice, it is they who wish to direct the movement; and at the first attempt of others to resist their influence, at the first sign of independence from those who persist in thinking and acting in their own way, you hear them hurl excommunications, cry inconsistency and treason, and affirm that those who do not say and do as they do are no anarchists. Thus always did the priests of all times and all religions. One who is in good faith protests more against the form than against the substance.

They do not want an organization, but they speak of accord, agreement, free contract and association! We shall not deal with such questions of terminology, and we shall limit ourselves to recalling, once and for all, that organization means neither authority, nor government, nor humiliation, but only the harmonious association of the elements of the social body.

As we want that all men should be harmoniously associated someday, we recommend today, in the struggle to bring about such a future, the harmonious association of anarchists. Organization is a means to approach the end, and a means more in harmony with the sociological ends of anarchism.

I will not waste too much time on demonstrating that, in general, libertarian organization is a necessity. I have already demonstrated elsewhere that organization, far from limiting individual freedom, extends it and makes it genuinely possible, since

15

échecs ? De même pour l’organisation, nous cherchons de tou­tes nos forces à réussir ; chaque défaite nous rapprochera de la victoire, mais chaque fois nous cherchons que notre tentative soit meilleure et ait un résultat moins imparfait. Cela servira à former les consciences mille fois mieux que la seule prédi­cation doctrinaire.

D’autre part, ceux qui se déclarent ennemis de l’organi­sation le sont habituellement parce qu’ils se sentent incapables de la solidarité libertaire et au fond ils ne savent pas sortir de ce dilemme : commander ou être commandés. Ils n’ont pas la conscience « libertaire » et donc ils ne voyent pas théorique­ment d’autre garantie pour la liberté individuelle que l’isole­ment, le manque de tout pacte et de tout lien librement accepté. En pratique, ce sont eux qui veulent diriger le mouvement ; et à la première tentative d’autrui de se soustraire à leur directive, au premier signe d’indépendance de celui qui s’obstine à penser et à faire à sa façon, vous les entendez lancer des excommunications, crier à l’incohérence et à la trahison, et affirmer que celui qui ne dit pas et ne fait pas comme eux n’est pas anarchiste. Ainsi ont toujours fait les prêtres de tous les temps et de toutes les religions. Quelqu’un de bonne foi s’élève plus contre la forme que contre la substance.

Ils ne veulent pas d’organisation mais ils parlent d’ac­cord, d’entente, de libre pacte et d’association ! Nous ne nous occupons pas de telles questions de terme, et nous nous limi­tons à rappeler une fois pour toute qu’organisation ne signifie ni autorité, ni gouvernement, ni vexation, mais seulement : association harmonieuse des éléments du corps social.

Comme nous voulons que tous les hommes soient un jour associés harmonieusement, nous préconisons aujourd’hui dans la lutte pour la préparation d’un tel avenir, l’association har­monieuse des anarchistes. L’organisation est un moyen pour rejoindre la fin, et un moyen le plus en harmonie avec les fina­lités sociologiques de l’anarchisme.

Je ne perdrai pas trop de temps à démontrer comment, en ligne générale, l’organisation libertaire est une nécessité. J’ai démontré déjà ailleurs que l’organisation, loin de limiter la liberté individuelle, l’étend et la rend vraiment possible, puis-

15

it offers to individuals a great amount of force with which to overcome obstacles and improve themselves, which each taken separately would lack.

“The greatest possible satisfaction of one’s I,” I then said (1), “the greatest material and moral wellbeing, the greatest freedom, are not possible except when people are connected to one another by the pact of mutual aid. A man in agreement with society is always freer than the man who is in struggle against society. The anarchists fight against the current social organization precisely because it prevents the existence of a society relatively useful to all individuals and work for the day when the whole society is no longer governed by the most savage and ferocious struggle, by exploitation and the tyrannical violence of man against man.

“We can rebel against this bad organization of the society, not against society itself, as many individualists flatter themselves that they wish to do. Society is neither a myth, nor an idea, nor an organism preordained and created by somebody, such that it would be possible to refuse to recognize it and to try to destroy it. It is not even, as the Stirnerites accuse us of believing, something superior to individuals before which it is necessary to make the sacrifice of one’s I as one would before a fetish. Society is simply a deed [un fait] of which we are the natural performers [acteurs] and which exists insofar as we exist. Society is the ensemble of living individuals, and individuals, in their turn, are of such a shape as external influences, including social influences, give to them.

All of this is a natural fact, connected to the universal life of the cosmos. To rebel against this fact would mean to rebel against life, to die. Each individual exists insofar as it is the material, moral, and intellectual product of the union of other individuals, and cannot continue to live, cannot be free, cannot develop physically, except under the proviso of living in society.”

Many object to us that man is egoistic, and that it is always egoism that pushes man to act, even when his thoughts and actions seem altruistic. In denying altruism, their logic brings them to conclude against the spirit of solidarity and association.

(1) L. Fabbri: L’Organisation Ouvrière et l’Anarchie.

16

qu’elle offre à l’individu une somme majeure de force pour vaincre les obstacles et pour améliorer, ce qui manquerait à chacun pris séparément.

« La plus grande satisfaction possible de son moi — je disais alors (1) — le plus grand bien-être matériel et moral, la plus grande liberté, ne sont possibles que lorsque l’homme est lié à l’autre par le pacte de l’aide mutuelle. Un homme en accord avec la société est toujours plus libre que l’homme en lutte contre la société. Les anarchistes combattent l’organisa­tion sociale actuelle, justement parce qu’elle empêche l’exis­tence d’une société relativement utile à tous les individus et œu­vrent pour que la société entière ne soit plus régie sur la lutte la plus enragée et féroce, sur l’exploitation et sur la violence ty-rannique de l’homme sur l’homme.

« Nous pouvons nous rebeller contre cette mauvaise orga­nisation de la société, non contre la société elle-même comme se targuent de le vouloir beaucoup d’individualistes. La société n’est ni un mythe, ni une idée, ni un organe préordonné et fait par quelqu’un, pour qu’il soit possible de ne pas la recon­naître et de tenter de la détruire. Ce n’est même pas, comme nous accusent d’y croire les stirnériens, une chose supérieure aux individus à laquelle il faut faire le sacrifice de son moi comme devant un fétiche. La société est simplement un fait dont nous sommes les acteurs naturels et qui existe dans la mesure où nous sommes là. La société est l’ensemble des individus vivants et chaque individu est, à son tour, tel que les influences exter­nes, sans exclure les sociales, le forment.

Tout cela est un fait naturel, relié à la vie universelle du cosmos. Se rebeller contre ce fait signifierait se rebeller contre la vie, mourir. Chaque individu existe dans la mesure où il est le fruit matériel, moral et intellectuel de l’union d’autres indi­vidus ; et ne peut continuer à vivre, ne peut pas être libre, ne peut pas se développer physiquement si non à condition de vivre en société. »

Beaucoup nous objectent que l’homme est égoïste, et que c’est toujours l’égoïsme qui pousse l’homme à agir, même quand en apparence les pensées et les actions semblent altruistes. En niant l’altruisme, ceux-là arrivent logiquement à nier l’es­prit de solidarité et d’association.

(1) L. Fabbri : L’Organisation Ouvrière et l’Anarchie.

16

There is nothing more dangerous, in a certain way, especially for brains lacking the ability to grasp logic, than to sink with it, in so far as one does not manage to draw all one’s conclusions from a given principle. And that all the more so since one can, starting from the same principle, arrive at absolutely opposite consequences. It often happens that while a theory is logically developed more or less right from the start, it leads to a conclusion in which one does not believe and to which one did not wish to arrive. That arrives especially when one advances by means of abstract doctrines, completely giving up the experiential field of facts.

This indeed happens with many individualist anarchists of all stripes, from the antisocialist Stirnerite individualist to the anti-organizational communist individualist.

Guided by abstract logic, these comrades manage to lose sight of the point of anarchist and revolutionary propaganda. They isolate themselves from society to the point that they are no longer able to exercise any influence on it, which amounts to condemning our idea to remain perpetually at the stage of the utopia. If, in attempting any act of propaganda or revolutionary action, absolute coherence with the abstract principle of anarchy or with one’s own interpretation of this principle – if (and here is the real reason), in the face of the incomparable difficulty of acting in a libertarian manner, one shrinks from any form of action in which such difficulty is stronger – one ends up ceasing to do anything, or doing very little, as did Origen, who in order to keep himself pure (or rather because he did not have the strength to do so), cut off his own sexual organs. All anarchist action ends up being limited to criticism of the work of others, to theoretical propaganda (often chaotic and full of contradictions) and to some isolated acts of rebellion that, in the best event, demand too great an effort to be able to proceed and, therefore, to exert a growing influence on events.

Otherwise, as much as theoretical propaganda and propaganda by deed can be useful (I do not deny its utility), it is not enough in its merely individual form. In order for theoretical propaganda to be more effective, it must be coordinated; in order for the deed to be more useful, it must be reasoned and reasonable.

It is true that geniuses and heroes make more propaganda

17

II n’y a rien de plus dangereux, d’une certaine façon, spé­cialement pour les cerveaux sans réflexion de s’emparer de la logique, de foncer avec elle, tant que l’on n’arrive à tirer toutes les conséquences d’un principe donné. Et cela d’autant plus que l’on peut arriver en partant d’un même principe à des conséquences absolument opposées. Il arrive souvent que se construisent des théories, plus ou moins justes à leur point de départ, qui tout en évoluant avec la logique conduisent à un point que l’on ne croyait ni ne voulait rejoindre. Cela arrive spécialement quand on avance avec des doctrines abstraites, abandonnant complètement le champ expérimental des faits.

Cela arrive en fait à beaucoup d’anarchistes individualis­tes de toutes les nuances, de l’individualiste stirnénen anti­socialiste à l’individualiste communiste anti-organisateur.

Conduits par la logique abstraite, ces camarades arrivent à perdre de vue l’intérêt de la propagande anarchiste et révo­lutionnaire. Ils s’isolent dans la société jusquà ne plus pouvoir y exercer aucune influence ; ce qui équivaut à condamner notre idée à rester perpétuellement au stade de l’utopie. Si en prétendant à tout acte de la propagande et de l’action révolu­tionnaire, la cohérence absolue avec le principe abstrait de l’anarchie ou de sa propre interprétation de ce principe ; si (et c’est celle-ci la raison la plus véritable) devant la diffi­culté inégalable d’agir libertairement, on écarte toute forme d’action dans laquelle telle difficulté est la plus forte, on finit par ne plus rien faire ou très peu — comme Origène qui, pour se maintenir pur (ou plutôt parce qu’il n’avait pas la force de se maintenir tel), se coupa les organes sexuels. Toute l’action anarchiste finit par se limiter à la partie critique de l’œuvre d’autrui, à la propagande théorique — souvent cahotique et pleine de contradictions — et à quelque acte isolé de rébellion qui, dans la meilleure hypothèse, a justement le tort de récla­mer un effort trop grand pour pouvoir se dérouler et, donc, exercer une influence grandissante sur les événements.

Du reste, autant peut être utile la propagande théorique et celle par le fait (je ne lui nie pas cette utilité), elle ne suffit pas dans sa forme seulement individuelle. Pour que la propagande théorique soit plus efficace il faut qu’elle soit coor­donnée, pour que le fait soit plus utile il faut qu’il soit raisonné et raisonnable.

Il est vrai qu’un génie ou un héros font plus de propagande

17

or elicit more excitement than do the mediocre. But the world is made up of the mediocre, not of geniuses and heroes; it is a fine thing if the genius or hero springs from among our ranks, but in the meantime, if we want to be positive and to ensure that we arrive at our goal, our duty is also and especially to count on the continuous, untiring action of the greater number. And most are a force only when they are united; each individual forms, refines, or rounds out his consciousness within the union. We do not forget that geniuses and heroes can also be mistaken; at this point in time, they create more evil than others. There are necessary forms of activity for which the work of only one person, even exceptional, is not enough, that require the cooperation of many, activities in which a genius or a hero often cannot engage. Cooperation, organization on the basis of an idea and a method, freely accepted and not excluding the best but presupposing them, are methods that several anarchists of individualistic tendency deny. They deny them only because, or of agreement with the admirers of the State they do not believe any organization possible without authority, or they do not have the courage to face the difficulty of beginning to be an anarchist by organizing on an anarchist basis, being afraid of the first inevitable stumbles.

When the child learns how to walk, it begins by falling, but that is not a sufficient reason to assert that walking is harmful and results in breaking one’s head. However, the anarchists who conclude in favor of the individualistic negation of organization think in just this way: since from the moment one organizes oneself, one can and will fall into error or inconsistency, they conclude from this that organization itself is an error and an inconsistency.

In denying organization, one essentially denies the possibility of social life and also of life in anarchy. To say that it is only denied today is meaningless; to deny it today means eliminating the means of achieving it tomorrow. And at any rate, even on this ground, logic plays some dirty tricks. When one denies workers’ organization, one has already started to deny the possibility of communal organization in the future society. Simply because one cannot conceive, as a consequence of the same optical illusion, that the commune of tomorrow will be nothing other than the complex of the organizations free-

18

ou développent plus d’énergie que beaucoup de médiocres. Mais le monde est fait de médiocres, pas de génies et de héros ; tant mieux si le génie ou le héros jaillit parmi nous, mais entre­temps notre devoir est, si nous voulons être positifs et avoir l’assurance d’arriver au but, de compter aussi et surtout sur l’action continue, infatigable des plus nombreux. Et les plus nombreux ne sont une force que lorsqu’ils sont unis ; chaque individu forme, complète ou affine sa conscience dans l’union. Nous n’oublions pas que les génies et les héros peuvent aussi se tromper, c’est alors qu’ils font plus de mal que les autres. Il existe des formes d’activités nécessaires dont l’œuvre d’un seul, même exceptionnel, ne suffit pas et qui a besoin de la coopé­ration de plusieurs, activité auquel souvent un génie ou un héros ne sait se plier. La coopération, l’organisation sur la base d’une idée et d’une méthode, acceptées librement et qui n’en excluent pas de meilleures mais les présupposent, sont des méthodes que plusieurs anarchistes de tendance individualiste nient. Ils les nient seulement parce que, ou d’accord avec les adorateurs de l’Etat ils ne croyent possible aucune organisation sans autorité, ou ils n’ont pas le courage d’affronter la diffi­culté de commencer à être anarchiste en s’organisant sur des bases anarchistes, ayant la crainte des premières chutes iné­vitables.

Quand l’enfant apprend à marcher, il commence par tom­ber, mais cela n’est pas une raison suffisante pour soutenir que marcher est nocif et a pour conséquence de se rompre la tête. Les anarchistes qui arrivent de l’affirmation individua­liste à la négation de l’organisation pensent, au contraire, comme cela : qu’à partir du moment où l’on s’organise on peut tomber et l’on tombera dans l’erreur ou l’incohérence, ils en concluent que l’organisation est elle-même une erreur et une incohérence.

En niant l’organisation on nie au fond la possibilité de la vie sociale et aussi de la vie en anarchie. Dire qu’on la nie seulement aujourd’hui ne signifie rien, la nier aujourd’hui signi­fie supprimer le moyen de la préparer pour demain. Et du reste, même sur ce terrain, la logique joue de sales tours. Tandis que l’on nie l’organisation ouvrière, quelqu’un a déjà commencé à nier la possibilité d’une organisation communale dans la société future. Simplement parce que l’on ne sait pas conce­voir, par la même erreur d’optique, que la commune ne sera demain rien d’autre que le complexe des organisations libre-

18

ly federated within it, like the patriarchal Russian mir, that will be able to also have its own assemblies for the discussion of the interests of the community, but which will not be authoritarian at all, will not be imposed by violence, will be nothing like the bureaucratic municipality of today with its municipal taxes, its municipal guards, its rural policemen and . . . its mayor appointed by the monarchy.

The question of whether man is egoistic and whether such is enough to deny association rests on an absurd interpretation of a true concept. Yes, all men are egoistic, but in a different way. The man who takes bread out of his own mouth to feed his neighbor is an egoist insofar as, in sacrificing himself, he intimately feels a greater satisfaction than those who eat without giving anything to the other. It is the same way with all the other sacrifices, even the most sublime that history recalls. But the satisfaction of the bourgeois exploiter that hunger should kill his workers before he himself should have to sacrifice an evening at the theatre is also born of egoism.

This is egoism and that is egoism, but of course no one will deny that they are there two egoisms different from one another. This difference finds its expression in human language when we baptize the noblest form of egoism with the name altruism.

This altruism is a manifestation of human solidarity, meeting the need for mutual aid – which exists among men as just it does in a number of animal societies.

Some individualists do not deny solidarity; however, they deny the organization that is a means of manifesting and exercising solidarity. Solidarity is a feeling, and organization does that which corresponds to this feeling: the deed by means of which solidarity becomes the active element of the revolution in consciousness and in events.

Solidarity is a liquor full of force and flavor that needs a vase to contain it in order not to spill uselessly on the ground and evaporate.

This vase, this form, this explication of solidarity, is the libertarian organization, in which minds not only fail to deteriorate but complement one another when they are not well formed, and when they are formed, refine one another. Organization, I repeat, does not mean the diminution of the ego, but

19

ment fédérées en elle, du genre du mir patriarcal russe, qui pourra aussi avoir ses assemblées de discussion pour les intérêts de la communauté, mais qui n’aura pas du tout de caractère autoritaire, d’imposition violente, ce ne sera en rien la com­mune bureaucratique d’aujourd’hui avec ses taxes, ses gardes municipaux, ses gardes champêtres et... son maire nommé par la monarchie.

La question que l’homme est égoïste et que cela suffit pour nier l’association, s’appuye sur l’absurde interprétation d’un vrai concept. Oui, tous les hommes sont égoïstes, mais de façon différente. L’homme qui se retire le pain de la bouche pour nourrir son semblable est un égoïste dans la mesure où il ressent intimement, en se sacrifiant, une satisfaction majeure que de tout manger sans ne rien donner à l’autre. Il en va ainsi pour tous les autres sacrifices, même les plus sublimes que l’histoire se rappelle. Mais la satisfaction de l’exploiteur bourgeois que fait mourir de faim ses ouvriers, plutôt que de se sacrifier un soir à ne pas aller au théâtre est aussi de l’égoïsme.

L’un et l’autre sont de l’égoïsme mais, parbleu ! personne ne niera que ce sont là deux égoïsmes différents l’un de l’autre. Cette différence a trouvé son expression dans le langage humain, en baptisant la forme la plus noble de l’égoïsme du nom l’altruisme.

Cet altruisme est une manifestation de la solidarité humaine, répondant au besoin d’entraide — qui existe parmi les hommes comme dans plusieurs société animales.

Quelques individualistes ne nient pas la solidarité ; ils nient pourtant l’organisation qui est un moyen de se manifester et de s’exercer à la solidarité. La solidarité est un sentiment et l’organisation le fait qui correspond à ce sentiment ; le fait au moyen duquel la solidarité devient l’élément actif de la révo­lution dans les consciences et dans les événements.

La solidarité est une liqueur pleine de force et d’arôme qui a besoin d’un vase pour la contenir afin de ne pas se répandre, se rendre inutile et s’évaporer.

Ce vase, cette forme, cette explication de la solidarité, c’est l’organisation libertaire, où les consciences non seulement ne se détériorent pas mais se complètent lorsqu’elles ne sont pas bien formées, et lorsqu’elles sont formées se raffinent. Orga­nisation ne signifie pas, je le répète, diminution du moi, mais

19

the possibility for it to find, with the assistance of others, its own maximum satisfaction. It does not mean the trampling and violation of the natural egoism of individuals, but much more than a perfect satisfaction, its ennobling in such a way as to elicit pleasure in the individual through the good and not the misfortune of others.

Since, in the common language, one calls such a form of egoism altruism, to distinguish it from the other brutal form existing in the present society of masters and slaves, of governments and their subjects, which consists in the satisfaction of oneself to the detriment of others, and without any criterion of proportion or relativity, without so many sophistries or philosophical nuances, I conclude that altruism is something positive and concrete that has been formed and exists in humanity.

This doctrinary divagation was necessary so that I can show how this question of organization intertwines and conforms with the mother-idea of anarchism, not only in terms of methods, but also in terms of goals, and so as to make it understood that the division that exists on this point among anarchists is much deeper than is commonly believed, that it entails an irreconcilable theoretical disagreement.

I say this in order to answer at all costs the good friends of compromise who affirm: “Let us not make an issue of methods! We have but one idea, our goal is the same; we are thus united without tearing ourselves apart over a little dissension about tactics.” And, on the contrary, I realized for a long time that we tear ourselves apart precisely because we are too close, and this on artificial pretenses. Under the surface varnish of three or four shared ideas _ abolition of the State, the abolition of private property, revolution, antiparliamentarianism – there is an enormous difference in the conception of each one of these theoretical assertions. The difference is such that we cannot take the same path without quarreling, thus reciprocally neutralizing one another’s efforts, or, if in some cases, leaving one another in peace, without each giving up what he believes to be true. I repeat: not only a difference in method but also a strong difference in ideas.

20

possibilité pour celui-ci de rejoindre, avec l’aide des autres, le maximum de ses satisfactions. Elle ne signifie pas com­pression et violation de l’égoïsme naturel des individus, mais bien plus qu’un parfait contentement, son annoblissement de façon à provoquer une jouissance chez l’individu, ayant besoin du bien d’autrui et non du mal.

Puisque l’on appelle une telle forme d’égoïsme dans le langage commun altruisme, pour la distinguer de l’autre forme brutale existant dans la société présente de patron et d’esclaves, de gouvernement et de leurs sujets et consistant dans la satis­faction de soi-même au détriment de tous les autres, et sans aucun critère de proportion et de relativité, sans faire tant de sophismes et de finesses philosophiques je conclus que l’altruisme est bien quelque chose de positif et de concret qui s’est formé et existe en l’homme.

Cette divagation doctrinaire était nécessaire pour que je puisse démontrer comment cette question de l’organisation non seulement par la méthode, mais aussi par sa finalité, s’enlace et se conforme avec l’idée-mère de l’anarchisme ; pour que l’on comprenne que la division qui existe sur ce point chez les anarchistes est beaucoup plus profonde qu’on ne le croit et sup­pose aussi une inconciliable discordance théorique.

Je dis cela pour répondre aux bons amis de l’entente à tout prix qui affirment : « Nous ne faisons pas de problème de méthode ! L’idée est une seule, le but est le même ; nous sommes donc unis sans nous déchirer pour un petit désaccord sur la tactique. » Et, au contraire, je me suis rendu compte depuis longtemps que nous nous déchirions justement parce que nous sommes trop voisins, et que nous le sommes artificiellement. Sous le vernis apparent de la communauté de trois ou quatre idées _ abolition de l’Etat, abolition de la propriété privée, révolution, antiparlementarisme — il y a une différence énorme dans la conception de chacune de ces affirmations théoriques. La différence est telle qu’on ne peut pas prendre la même route sans se quereller, sans neutraliser notre travail réciproquement, ou, si l’on veut, rester en paix, sans renoncer chacun à ce qu’il croit être la vérité. Je répète : non seulement différence de méthode mais aussi forte différence d’idées.

20

Many object that they are only adversaries of organization within the current society, because they consider organization in a genuinely libertarian sense to be impossible before the revolution. But then they forget that the revolution will not come of itself like manna from heaven, solely by virtue of the trumpets of Jericho of theoretical propaganda and even less so from the noise of an isolated bomb. They forget that after the revolution anarchy will not sprout on its own like a mushroom unless it finds organizations adapted to answering the needs of social life and substitutes them for the old organizations that have been destroyed. It is possible that, for lack of libertarian organizations, the necessities of life will prompt men to restore the authoritarian organizations.

But the enemies of organization – and also, all too often, its friends – especially neglect to consider the question from the point of view of revolutionary preparation.

Certainly, those who have got it in their heads that revolutions are not made by men but come naturally like cataclysms and earthquakes (2) may well be opposed to any organization and content themselves with verbal and written propaganda and an isolated beautiful gesture once every two or three years. However, it is now recognized that ideas advance with men, that revolutions are generated by their thought and are accomplished by the work of their hands, and that they are also caused by economic and social factors that have become inevitable by the sequence of effects, the causes of which quite predate ourselves.

An artificial revolution made to the advantage of only one party or class, in addition, would be inevitably destined for fiasco, if it did not turn toward more general interests and if it did not entail an upheaval the need for which would be felt universally.

One knows that the social question currently assumes the aspect of a working-class problem almost exclusively, and that it is to the working classes that it is necessary to dedicate all efforts in order to really uplift the world while avoiding the detours of politics, intellectualism, and mere revolutionary game-playing.

(2) Jean Grave, Moribund Society and Anarchy.

21

Beaucoup objectent d’être seulement des adversaires de l’organisation dans la société actuelle, parce qu’ils la considèrent impossible dans un sens vraiment libertaire avant la révolu­tion. Mais alors ils oublient que la révolution ne viendra pas d’elle-même comme la manne du ciel, seulement en vertu des trompes de Jéricho de la propagande théorique et encore moins au bruit d’une bombe isolée. Ils oublient qu’après la révolution l’anarchie n’apparaîtra pas d’elle-même comme un champignon, si elle ne trouve pas des organismes adaptés à répondre à la nécessité de la vie sociale et les substituer aux vieux organismes abattus. Il est possible que par l’absence d’organismes liber­taires, la nécessité de vivre suggère aux hommes le rétablisse­ment des autoritaires.

Mais les ennemis de l’organisation négligent surtout — et le négligent aussi trop souvent les amis — de considérer la question du point de vue de la préparation révolutionnaire.

Certainement, ceux qui se sont mis en tête que les révolu­tions ne sont pas faites par les hommes mais viennent natu­rellement comme les cataclysmes et les tremblements de terre (2) peuvent bien être contraires à toute organisation et se contenter de la propagande verbale et écrite et d’un beau geste isolé tous les deux ou trois ans. Or maintenant il est reconnu que les idées avancent avec les hommes et que les révolutions sont engendrées par leur pensée et réalisées de leurs bras, elles sont aussi provoquées par des facteurs sociaux économiques devenus inévitables par l’enchaînement des effets, dont les causes remontent à des époques bien antérieures à nous.

Une révolution artificielle faite à l’avantage d’un parti ou d’une seule classe, d’autre part, serait inévitablement destinée au fiasco, si elle ne se tournait pas vers des intérêts plus géné­raux et si elle ne supposait pas des conditions qui pourraient être favorables à un renversement dont la nécessité se ferait universellement sentir.

On sait que la question sociale assume actuellement l’aspect presque exclusif de problème ouvrier, et c’est à lui qu’il faut consacrer toutes les forces afin de soulever réellement le monde en cherchant de ne pas dévier dans les sentiers de la politique, de l’intellectualisme et du sport révolutionnaire et libertaire.

(2) Jean Grave : « La Société mourante et l’anarchie ».

21

This does not negate the fact that in order to resolve the labor question, in order also to resolve, wholly and integrally, the question of bread and freedom, without sinking miserably into the class egoism that reformism produces, one must consider it in the broadest possible sense.

It should be shown that the emancipation of the proletariat and capitalist monopoly depend also the resolution of man’s individual freedom and all the problems weighing on contemporary consciousness.

It is also necessary that the parties with an interest in this upheaval, the proletarians, become conscious of their rights, of the need for the force that they have in hand, provided that they want it. To produce the atmosphere necessary for a revolution, the workers must feel the enormous deprivation in which they live and not remain in a state of nonchalance and Moslem-like resignation. It is likewise necessary that they have a relatively clear vision of the remedy for the disease from which they suffer – and especially a clear and precise conception of the way to destroy and abolish the current order of things. We must above all occupy ourselves with forming this consciousness in the proletariat; propaganda remains the most effective means. It is the continuous exercise of the struggle against capital and the State.

But it is also necessary to prepare the means it is necessary to prepare the means to overthrow capital and the State. Here is where the need for anarchist organization presents itself. The first and most important means is a union that is not chaotic, irregular, local, and fragmented, but coherent and continuous over time and space.

Those who do not even tolerate this moral bond that results from the commitment to mutual aid for a given goal will say that it decreases their individual autonomy, and such may be the case. But absolute freedom and autonomy are abstract concepts; we must return to the facts, to what we really want and can really obtain from this autonomy and freedom.

To get rid of the authority against which we fight, that of the priest, the owner, and the police officer, we must make a minimal, voluntary sacrifice of our individual pride. In order to be able to work with others to remove ourselves from bourgeois and statist violence, even with those who do not have our force and our consciousness, who are not formed by these in the same way as ourselves.

22

Cela ne retire pas le fait que pour que la question ouvrière soit résolue, que pour que soit aussi résolue, ensemble et intégra­lement, la question du pain et de la liberté, sans sombrer misé­rablement dans l’égoïsme de classe que produit le réformisme, elle ne doit pas être considérée dans le plus large sens possible.

Il faut montrer que de l’émancipation du prolétariat et du monopole capitaliste dépend aussi la résolution de la liberté individuelle de l’homme et de tous les problèmes qui oppriment la conscience contemporaine.

Il faut aussi que les intéressés à ce renversement, les pro­létaires, deviennent conscients de leurs droits, des besoins de la force qu’ils ont en main, à condition qu’ils le veulent. Pour que l’atmosphère d’une révolution y soit, il faut que les tra­vailleurs ressentent la privation énorme dans laquelle ils vivent et ne restent pas dans une nonchalance et une résignation musulmane. Il faut de même qu’ils aient une vision relative­ment claire du remède à apporter au mal dont ils souffrent — et surtout une conception nette et précise sur la façon de détruire et d’abattre l’ordre actuel des choses. Nous devons avant tout nous occuper à former cette conscience dans le pro­létariat, le moyen le plus efficace reste la propagande, c’est l’exercice continu de la lutte contre le capital et l’Etat.

Mais il faut aussi préparer les moyens pour renverser le capital et l’Etat et voilà où se présente la nécessité de l’orga­nisation révolutionnaire. Le premier moyen le plus important c’est l’union non chaotique, irrégulière, locale et morcelée, mais continue et continue dans le temps et l’espace.

Ceux qui ne tolèrent pas aussi ce lien moral qui résulte de l’engagement pris pour s’aider réciproquement dans un but donné, diront que cela diminue leur autonomie individuelle, cela peut se faire. Mais liberté et autonomie absolue sont des concepts abstraits ; nous devons retourner aux faits, à ce que nous voulons réellement et pouvons obtenir de cette autonomie et liberté.

L’autorité, contre la quelle nous combattons, du prêtre, du patron et du carabinier, mérite bien, pour que l’on s’en débar­rasse, que nous faisions un minimum de sacrifice volontaire de notre orgueil individuel, pour travailler avec d’autres à nous débarrasser de la domination bourgeoise et étatique, aussi avec ceux qui n’ont pas notre force et notre conscience, ainsi que nous nous la sommes formée.

22

I cannot say for certain that humanity will not one day succeed in becoming an ensemble of individuals free from one another, not having to depend on one another reciprocally in any way, neither for their material nor their moral interests. It is certain that the goal of the libertarian social revolution that is called for, the one we desire the advent of, will be for the moment nothing other than the emancipation of the proletariat from the privilege of capitalist monopoly and of all individuals from the violent and coercive authority of man over man.

To accomplish this, we have to fight against formidable forces: the coalition of the owners, supported by the priests, the bureaucracy, the army, the magistrature and the police force. In order to fight them, to destroy all these terrible wheels immaculate of blood from the gears of capitalist authoritarianism, it is good to link the oppressed in a pact that is mutual, interdependent, and voluntarily accepted – for those who do not tolerate bonds – a moral discipline.

It is not enough that men should become conscious of their rights and needs and know the means by which they may be asserted; it is also necessary that they be made capable of adopting these means of assertion.

It is in this sense that the revolutionary will takes on all its importance. A revolution of the unconscious may be nearly useless; but the consciousness of needs and rights certainly remains equally useless, in the community and among individuals, if there is not the force, the will to act and put into practice what one understands in theory. Here why it is necessary to join and organize to discuss initially, then to assemble the revolutionary means, and finally to form an organic whole that, armed with its means and strengthened by its unity, can sweep the world clean of all the aberrations and tyrannies of religion, capital, and the State when the historical moment arrives.

“The organization that the anarchist socialists defend is naturally not the authoritarian kind that goes from the Catholic Church to the Marxist Church, but the voluntary libertarian organization of many individual units associated for a common goal, employing one or more methods considered good and freely accepted by each. Such an

23

Je ne sais pas si l’humanité réussira à être un jour un ensemble d’individus aussi libres l’un de l’autre, à ne devoir dépendre réciproquement d’aucune façon ni par intérêts maté­riels ni moraux. Il est certain que le but de la révolution sociale et libertaire qui s’annonce, et dont nous désirons l’avènement ne sera rien d’autre pour le moment que l’émancipation du prolétariat du privilège du monopole capitaliste et de tous les individus de l’autorité violente et coercitive de l’homme sur l’homme.

Pour réaliser cela nous avons à lutter contre des forces formidables, la coalition des patrons, soutenue par les prêtres, la bureaucratie, l’armée, la magistrature et la police. Pour les combattre, pour détruire tous ces épouvantables rouages imma­culés de sang de l’engrenage capitaliste autoritaire, il est bon de s’unir entre les opprimés en pacte mutuel et solidaire, et volontairement accepté — pour ceux qui ne tolèrent pas de liens —, une discipline morale.

Il ne suffit pas que les hommes soient conscients de leurs droits et besoins et sachent quel est le moyen pour les reven­diquer ; il faut aussi qu’ils se mettent en mesure d’adopter ces moyens de revendication.

La volonté des révolutionnaires prend dans cette direction toute son importance. Une révolution d’inconscients peut être presque inutile ; mais la conscience reste certainement aussi mutile, dans la collectivité et chez les individus, de leurs besoins et droits, s’il n’y a pas la force, la volonté d’agir et de mettre en pratique ce que l’on a compris en théorie. Voici pourquoi il faut s’unir et s’organiser pour discuter d’abord, puis rassemblei les moyens pour la révolution et enfin pour former un tout organique qui, armé de ses moyens et fort de son union, puisse, alors que sonne le moment historique, balayer du monde toutes les aberrations et les tyrannies de la religion, du capital et de l’Etat.

« L’organisation que les socialistes anarchistes défendent n’est naturellement pas l’autoritaire qui va de l’Eglise catho­lique à l’Eglise marxiste, mais bien l’organisation libertaire volontaire, des nombreuses unités individuelles associées en vue d’un but commun et employant une ou plusieurs méthodes considérées bonnes et librement acceptées par chacun. Une telle

23

organization remains impossible if the individuals who comprise it are not accustomed to freedom and are not free from authoritarian prejudices. It is necessary, moreover, to be organized in order to become accustomed to a life in free association” (3), and to become accustomed to the exercise of freedom.

Therein resides the need to organize. By organization we understand the union of anarchists in groups and the federated union of groups with one another on the basis of common ideas and of a common task to be accomplished in practice. This organization naturally preserves the autonomy of the individual within the groups and of the groups within the federation, with full freedom for groups and federations to form according to the opportunity and the circumstances, by trade or by district, by province or by region, by nationality or by language, etc.

The federal organization thus conceived, without central bodies and authority, is both useful and necessary. Useful simply because unity produces force; necessary because . . . We will endeavor to give other reasons here, in addition to those already stated, without thereby claiming to have enumerated them all.

There are so many people in the world who call themselves anarchists, but nowadays one baptizes with the name of anarchy so many different ideas, opinions, and tactics that anyone who struggles must choose one of them and know how to recognize which are the ones with aspirations like his own, and which are the ones who, while calling themselves anarchists, are completely the opposite. If some follow a path contrary in all respects to ours, and use means of struggle that contradict, neutralize, and destroy the effects that we have obtained – these diversities, these contradictions depend on meanings and interpretations that are different from, and often completely the opposite of, what one gives to the term anarchy.

Nowadays, if one spoke of making nothing more than a pure scientific and philosophical academy, there would be no great need to differentiate ourselves in form and to separate group from group. There would not even be any need to gather. But anarchism, in my opinion, and I share this belief with many, if it is a scientific and philosophical tendency in theory,

(3) L. Fabbri, L’organizzazione operaia e l’anarchia. Roma: Ed. Il Pensiero, 1906.

24

organisation reste impossible si les individus qui la composent ne sont pas habitués à la liberté et ne sont pas débarrassés des préjugés autoritaires. Il est nécessaire, d’autre part, de s’orga­niser pour s’exercer à vivre librement associés » (3), et cela pour s’habituer à l’usage de la liberté.

Ainsi la nécessité de s’organiser demeure. Par organisation nous entendons l’union des anarchistes en groupes et l’union fédérale des grourjes entre eux, sur la base des idées commu­nes et d’un travail pratique commun à accomplir. Cette orga­nisation laissant naturellement l’autonomie de l’individu dans les groupes et des groupes dans la fédération, avec la pleine liberté pour les groupes et les fédérations de se former selon l’opportunité et les circonstances par métier ou par quartier, par province ou par région, par nationalité ou par langue, etc.

L’organisation fédérale ainsi conçue, sans organes centraux et sans autorité, est utile et nécessaire. Utile simplement parce que l’union fait la force ; nécessaire parce que... Nous nous efforcerons de donner ici d’autres raisons, outre celles déjà énoncées, sans pour cela avoir la prétention de les avoir toutes énumérées.

Il y a tant de personnes qui se disent anarchistes dans le monde, mais on baptise avec le nom d’anarchie tellement d’idées de nos jours, d’opinion et de tactiques différentes, qu’il s’impose à qui lutte d’en choisir une et de savoir quels sont ceux qui ont des aspirations communes aux siennes, et certaines qui tout en se disant anarchistes sont complètement opposées. Si quelques-uns suivent une voie contraire en tout à la nôtre, et usent de moyens de lutte qui sont contradictoires, neutralisants et des­tructeurs des effets que nous avons obtenus — ces diversités, ces contradictions dépendent de significations et d’interpréta­tions différentes et souvent complètement opposées que l’on donne au terme d’anarchie.

Maintenant, si l’on ne parlait de faire que de la pure aca­démie scientifique et philosophique il n’y aurait pas le besoin de trop se différencier dans les formes et de séparer groupe par groupe. Il n’y aurait même pas besoin de se regrouper. Mais l’anarchisme, selon moi, et je crois aussi selon beaucoup, s’il est dans la théorie une tendance scientifique et philosophique,

(3) L. Fabbri : « L’organizzazione operia et l’anarchia ».

24

a speculative doctrine, it also wishes to be a human movement of struggle and revolution in practice. A movement which has definite means and which has fixed as its point of departure certain truths on which all those who act in this direction agree. Very well, how will it be possible to announce an energetic and resolute movement if we who believe ourselves to be more in the right than the others and who seem more than the others to have to propose good methods of revolution to advance towards the integral freedom of anarchy, if we do not group ourselves, organize ourselves in any way, so that the work of the ones is not contradicted and neutralized by that of the others; that by ourselves one cannot know who, in calling himself an anarchist, is with us and who is against us?

If we want to move, if we want to make something more than what each one of us can do separately, we must know which of these so-called comrades we can agree with, and which ones we are in disagreement with. This is especially necessary when one speaks of actions, of movement, of methods requiring many of us to work together, to succeed in obtaining the results we want.

Since there are initiatives, movements, actions that are not possible without the concord of numerous individuals, legions or nations whole, it is here that the need appears, not only of individual with individual and group with group in the same city, but also of groups of one city with those of another and – why not? – those of one nation with another.

The need to differentiate oneself in organizing among anarchists who share common forms and methods of collective struggle and propaganda, also necessitates clarification of ideas in the face of one’s adversaries. As long as we all allow ourselves to be lumped together under the common denomination of anarchists, one will always be right to ask us whether our anarchy has ever existed. One says that it is a school of socialism; another, on the contrary, baptizes it as the negation of socialism; one seeks in it the triumph of the individual against humanity and interprets it as a continual struggle between men, dentibus et rostius [tooth and nail], and another interprets it as human solidarity par excellence.

25

 

une doctrine spéculative, il veut être aussi dans la pratique un mouvement humain de lutte et de révolution. Un mouvement qui a des moyens définis et qui a fixé comme point de départ des vérités données, autour desquelles concordent tous ceux qu agissent dans ce sens. Eh bien, comment sera-t-il possible d’annoncer un mouvement énergique et aussi résolu si nous qui croyons être plus que les autres dans la vérité et qu’il nous semble plus que les autres devoir proposer de bonnes méthode de révolutions pour avancer vers l’intégrale liberté de l’anarchie, si nous ne nous regroupons pas, nous ne nous organison d’aucune façon afin que l’œuvre des uns ne soit pas contredit et neutralisée par celle des autres; que par nous-mêmes on ni puisse savoir qui, tout en se disant anarchiste, est avec nous et qui est contre nous ?

Si nous voulons bouger, si nous voulons faire quelque chose de plus que ce qu’isolément peut chacun de nous, nous devon savoir avec lesquels de ces soit-disant camarades nous pouvon être d’accord, et ceux avec lesquels nous sommes en désaccord Cela est spécialement nécessaire quand on parle d’actions, d mouvement, de méthodes autour desquelles il faut travailler plusieurs, pour réussir à obtenir quelques résultats allant dan notre sens.

Puisqu’il y a des initiatives, des mouvements, des action qui ne sont pas possibles sans le concours de nombreux individus, de légions ou de nations entières, voici qu’apparaît la nécessité, non seulement d’individu à individu et de groupe groupe d’une même ville, mais aussi de groupes d’une ville ceux d’une autre et — pourquoi pas ? — de ceux d’une natio à une autre.

La nécessité de se différencier, en s’organisant entre anarchistes qui ont en commun des formes et des méthodes de lutt collective et de propagande, s’impose aussi par la clarté de idées face aux adversaires. Tant que nous permettrons que l’o nous prenne tout en bloc sous la commune dénomination d’anarchistes, on aura toujours raison de nous demander qu’elle n’a jamais été notre anarchie. Il y a celui qui dit que c’est un école du socialisme et qui, au contraire, la baptise comme s négation ; il y a celui qui cherche en elle le triomphe de l’ind: vidu contre l’humanité et l’interprète comme une lutte cont nuelle dentïbus et rostius entre les hommes, et celui qui l’ir terprète comme la solidarité humaine par excellence.

25

The worst extravagances are developed as the quintessence of anarchist philosophy; e.g., somebody recently affirmed the useful social function of crime in anarchy (4) . . .

We do not claim infallibility; we may even be wrong. Nevertheless, we believe we are in the right. And as long as we think we are in the right, we will seek to persuade others that our idea is not the opposite of what it is. We feel the need to spend our limited resources to make the propaganda that we believe to be good, and we refuse to assist with that which we consider bad.

So far are we from wishing to establish solidarity with ideas and methods that are not ours, we rather wish to avoid the confusion that links us pell-mell and makes our propaganda chaotic, contradictory, and fruitless.

It also appears that various interpretations of anarchy can be recognized in methods and means of action that are so various and contradictory – some of them so anti-social and anti-libertarian that they make greater obstacles to our propaganda than the most ferocious reaction.

You, for example, who are in favor of syndicalist organization, you will make a conference to advise the workers to organize themselves! Very well, in the same place that you will speak in favor of the organization, the general strike, revolutionary agitation for the eight-hour day, in the name of anarchy, there, the following day, always in the name of anarchy, another will come to say that organized labor is a useless band-aid, that the general strike is a utopia or a mirage, that the achievement of the eight-hour day is a mere reform unworthy of being defended by revolutionaries, all that I often read in anarchist newspapers of the anti-organizational tendency.

Write to express your opinion in the newspaper, and somebody will contradict it completely in the next issue; and if you do not have the good fortune to be the supreme manipulator of the newspaper . . . you will not have even the freedom to discuss it.

But afterwards, even if you can discuss freely, you will only succeed in making a good academy, since you

(4) In the “Aurora” of Ravenna.

26

Les pires extravagances sont développées comme la quin­tessence de la philosophie anarchiste ; quelqu’un affirmait der­nièrement la fonction sociale utile du délit en anarchie (4)...

Nous ne prétendons pas à l’infaillibilité, nous pouvons aussi avoir tort, néanmoins nous croyons avoir raison. Et tant que nous penserons avoir raison, nous chercherons à ce que l’on ne croye pas que notre idée est le contraire de ce qu’elle est. Nous ressentons le besoin de dépenser nos faibles moyens pour faire la propagande que nous croyons bonne, et nous refusons d’aider celle que nous considérons mauvaise.

Même de loin nous ne voulons pas nous rendre solidaires d’idées et de méthodes qui ne sont pas les nôtres, en consé­quence nous désirons éviter la confusion qui nous unit pêle-mêle et rend notre propagande chaotique, contradictoire et sans résultat.

Il apparaît que les différentes interprétations de l’anarchie se reconnaissent dans des méthodes et des voies de fait, elles aussi très différentes et contradictoires — certaines tellement antisociales et antilibertaires qu’elles font plus obstacle à notre propagande que la plus féroce des réactions.

Vous, par exemple, qui êtes partisans de l’organisation syn­dicale, vous allez faire une conférence pour conseiller les ouvriers de s’organiser ! Eh bien, sur la même place ou vous aurez parlé en faveur de l’organisation, de la grève générale, de l’agitation révolutionnaire pour les huit heures, au nom de l’anarchie, voici que le lendemain, toujours au nom de l’anarchie, un autre viendra dire que l’organisation ouvrière est un emplâtre inutile, que la grève générale est une utopie ou un miroir aux alouettes, que la conquête des huit heures est une réformette indigne d’être défendue par les révolutionnaires, tout cela je l’ai souvent lu dans les journaux anarchistes de tendance anti-organisatrice.

Ecrivez pour exprimer votre opinion dans le journal, au prochain numéro un autre la contredira complètement ; et si vous n’avez pas la chance d’être le manipulateur suprême du journal... vous n’aurez pas même la liberté qu’il faut pour dis­cuter.

Mais après, même si vous pouvez discuter librement, vous ne réussirez qu’à faire de la bonne académie, puisque vous ne

(4) Dans l’« Aurora » de Ravenne.

26

will not be able to act nor to gather around you for action those who approve of your idea, and to gain approval for your idea from a number of essential people. You must differentiate yourselves, associate with those you agree with and say: “Here we are anarchists who want to do such-and-such, and on such-and-such a point, we think thus, thus and thus. Let’s get to work!”

It is necessary not to forget that organization is a means of differentiation, of specifying a program of established methods and ideas, a kind of banner under which to assemble in order to march into battle so that one knows whom one can count on and is aware of the force that one can deploy.

The forms of this organization count little, the name is often the solitary and unique form which distinguishes it from the unavowed organization of those who claim not to be organized. We assume the name because it specifies our idea and our proposals because it with the value of a program. We say, for example, left anarchist by hearing the unit simply all those which fight for anarchy. When we specify Socialist-anarchist federation we think of the preestablished union of the individuals and the adherent groups who agreed in a locality given around a program of ideas and methods.

It are curious that one finds to repeat on this term of federation more than on the credits of party; we had precisely chosen it because it historically implies (as was also Bakunin’s intention) the concept of decentralized organization, from the bottom up, or rather (since there should be neither bottom nor top) from the simple to the compound. We precisely said to federate ourselves because this term has lately acquired an opposite and negative significance of centralization. In a much more relative sense, there are federalistic republicans versus unitary republicans.

We anarchists, who in certain places, as in Rome, have organized ourselves, have formulated a program. All those who accept it form the organization the program of which they have established themselves, whether they are groups or individuals; each group and each federation decides via its correspondence, newspapers, congresses, etc, on the direction in which they intend to develop their collective action, the forms of federal organization and groups

27

pourrez agir ni rassembler autour de vous pour l’action ceux qui approuvent votre idée, et faire approuver votre idée par un nombre de personnes indispensables. Il faut vous différencier, vous associer avec ceux avec qui vous êtes en accord et en disant: « Voilà, nous sommes des anarchistes qui voulons faire cela et cela, et sur tel point nous pensons ainsi, ainsi et ainsi. Mettons-nous au travail ! »

II ne faut pas l’oublier, l’organisation est un moyen de se différencier, de préciser un programme d’idées et de méthodes établies, une sorte de bannière de rassemblement pour partir au combat en sachant sur qui l’on peut compter et en ayant la conscience de la force que l’on puisse déployer.

Les formes de cette organisation comptent peu, le nom est souvent la seule et unique forme qui la distingue de l’organisa­tion inavouée de ceux qui disent ne pas être organisés. Nous assumons le nom parce qu’il précise notre idée et nos propo­sitions parce qu’il a la valeur d’un programme. Nous disons, par exemple, parti anarchiste en entendant simplement l’en­semble de tous ceux qui combattent pour l’anarchie. Lorsque nous précisons fédération socialiste-anarchiste nous pensons à l’union préétablie des individus et des groupes adhérents qui se sont mis d’accord dans une localité donné autour d’un pro­gramme d’idées et de méthodes.

Il est curieux que l’on trouve à redire sur ce terme de fédération plus que sur le générique de parti ; nous l’avions justement choisi parce qu’il implique historiquement (comme c’était aussi dans l’intention de Bakounine) le concept d’or­ganisation décentralisée, de bas en haut, ou mieux (puisqu’il ne doit y avoir ni bas, ni haut) du simple au composé. Nous disions précisément nous fédérer parce que ce terme a désor­mais acquis une signification opposée et négative de la cen­tralisation. Dans un sens beaucoup plus relatif, il existe des républicains fédéralistes face aux républicains unitaires.

Nous, anarchistes, qui en quelques endroits, comme à Rome, nous nous sommes organisés ; nous avons formulé un pro­gramme. Tous ceux qui l’acceptent forment l’organisation dont le programme a été établi par eux-mêmes, qu’ils soient groupes ou individus ; chaque groupe et chaque fédération décide par l’intermédiaire de sa correspondance, des journaux, des congrès, etc, de la façon dont ils s’entendent pour développer l’action commune, les formes d’organisation fédérale et des groupes

27

and internal methods. A group or federation may exaggerate certain formalities; even if mistakes are made, they are such that even those who are opposed to the organization, who unite only once to accomplish some action, may commit them.

We believe it necessary to place ourselves squarely upon a well defined road, with our own means and the sole responsibility for our actions, so that what we do is not destroyed by others. There are many who in theoretical propaganda and in action express a number of ideas and do a number of things that do not seem anarchist to us, or at least are not useful according to us – quite the contrary.

We do this so that our ideas and our methods may appear in their true significance, without ambiguity or uncertainty, in the eyes of comrades and sympathizers, who will thus be able to leave behind their own confusion, as well as in the eyes of the public, so that it knows that our ideas are these and not the opposite.

Those who decide not to remain with us for fear of a word, while doing as we do in our practice, merely in order not to put off those who, at base, are our adversaries, show their own weakness and perpetuate the ambiguity. Under their banner, with their good intentions, they cover many damaged goods. In that case, it is preferable that they separate from us.

However, to organize oneself and differentiate oneself from those who are not in agreement with us on some essential point, in the interpretation of the terms and methods of anarchy, does not mean that we claim a monopoly over use of the term or over the anarchist movement itself, or that one wishes to exclude anyone from the great libertarian family. But to be all of the same family does not mean that all have the same ideas and the same temperament, that all want to do the same things and that all agree on everything. In most families, the case is rather the opposite.

It may be not only ideas that divide us in our choice of tactics but also, to some extent, temperament, and that this determines whether some of us are united or disunited. I feel, personally, that I am sufficiently master of myself, i.e. enough of an indi-

28

et les modalités internes. Un groupe ou une fédération pourra exagérer certains formalismes, même si des erreurs sont com­mises, elles sont telles que même ceux qui sont contraires à l’organisation, qui s’unissent seulement une fois pour faire une action, peuvent en commettre.

Nous croyons nécessaire de nous mettre franchement en route pour une voie bien définie, avec nos moyens et la seule responsabilité de nos actions, de façon que ce que nous faisons ne soit pas détruit par les autres. Ils sont plusieurs ceux qui dans la propagande théorique et dans l’action disent et font une quantité d’idées et de choses qui ne nous semblent pas anar­chistes, ou tout au moins ne sont pas utiles selon nous, tout au contraire.

Cela de façon à ce que nos idées et nos méthodes appa­raissent sous leur véritable signification sans équivoques ni confusion, aussi bien aux yeux des camarades et des sympa­thisants qui pourront ainsi rompre avec autant d’incertitudes qu’avec le public afin qu’il sache que nos idées sont celles-là et non leur contraire.

Ceux qui ne se décident pas à rester avec nous par la peur d’un mot, tout en faisant comme nous pratiquons, seulement pour ne pas dégoûter ceux qui, au fond, sont nos adversaires, font preuve de faiblesse et perpétuent l’équivoque. Ils couvrent sous leur bannière, avec leur bonne intention, beaucoup de mar­chandise avariée. Alors il est préférable qu’ils se soient séparés de nous.

Pourtant, s’organiser et se différencier de ceux qui ne sont pas, sur quelque chose d’essentiel, d’accord avec nous dans l’interprétation du terme et des méthodes de l’anarchie, ne signifie pas que nous prétendons au monopole du terme et du mouvement anarchiste ou que l’on veut exclure qui que ce soit de la grande famille libertaire. Mais être tous d’une même famille ne signifie pas que l’on ait tous les mêmes idées et le même tempérament, que l’on veuille faire la même chose et être d’accord sur tout. Dans la majorité des familles, c’est plu­tôt le contraire qui arrive.

Il se peut que non seulement les idées nous divisent dans la tactique mais aussi un peu le tempérament et qu’il déter­mine l’union ou la désunion de certains. Je me sens, person­nellement, assez maître de moi-même, c’est-à-dire assez indi-

28

vidual, that it seems to me that I am stronger when I feel the solidarity of others behind, before, and beside me. It does not seem to me that I diminish myself by joining in a mutual pact with those who are my companions on the road. This question of temperament reinforces rather than weakens my thesis. If there are currents that cannot even be united because of their temperament, it is better that each should take its own route and that they should differentiate themselves.

I insist on the need for organization even to those who, while admitting it in fact and in practice, reject it in theory and in name. I have the conviction – and I believe I am not mistaken – that many of those who declare themselves to be in dissension with us are more so in words than in ideas, more so in appearance than in fact. They are to some extent victims of an illusion; their fear of the term is only an indication of a certain unconscious and unconfessed opposition to the substance.

But many comrades who are afraid of the term more than of the substance sometimes sacrifice the one to their antipathy toward the other. They say that there is no need to create organization but that it already exists by itself.

This is true. The man who thinks and who fight is a sensible, organizable, and organized being par excellence. Therefore, even those comrades who declare themselves opposed to organization are, in reality, organized.

However, this organization, not having a name and external forms, seems not to exist, thereby allowing them to say to us: “See? We do very well without organization!” It also serves to mask and dissimulate what may not cohere very well with the concept of integral autonomy in the internal functioning of such an organization. Some such inconsistencies are inevitable in the society of today, and I do not make use of this to attack anti-federalist methods, but I am bound to point out that where the external forms of organization are lacking, there is also lacking an important means of monitoring up to what point such an organization remains libertarian. When, on the contrary, the organization is visible, its substance is denounced by the form, and

29

 

vidu, il me semble être plus fort quand je sens derrière, devant et à côté de moi la solidarité des autres. Il ne me sem­ble pas que je me diminue en me serrant autour d’un pacte mutuel avec mes camarades de route. Cette question du tem­pérament renforce, au lieu de l’affaiblir, ma thèse. S’il y a des courants qui ne peuvent même pas être unis à cause de leur tempérament, il vaut mieux que chacun prenne sa voie et qu’ils se différencient.

J’insiste pour soutenir la nécessité de l’organisation même face à ceux qui, tout en l’admettant dans les faits et la pra­tique, en repoussent la théorie et le nom. J’ai la conviction — et je ne crois pas me tromper — que nombreux de ceux qui disent être en désaccord avec nous le sont plus dans les ter­mes que dans les idées, plus dans l’apparence que dans les faits Ils sont un peu victimes d’une illusion, leur peur du terme n’est qu’un indice d’une certaine contrariété inconsciente et aussi inconfessée pour la substance.

Mais beaucoup de camarades, qui ont peur du terme plus que de la substance, sacrifient parfois l’une à l’antipathie de l’autre. Ils disent qu’il n’y a pas besoin de faire l’organisation mais qu’elle existe déjà par elle-même.

C’est vrai. L’homme qui pense et qui lutte est un être sen­sible, organisable et organisé par excellence. Donc, même ces camarades qui se disent opposés à l’organisation sont, au fond organisés.

Seulement, cette organisation, n’ayant pas de nom et des formes extérieures, fait semblant de ne pas exister et sert pour pouvoir nous dire : Voyez ? Sans organisation nous allons très bien ! Cela sert aussi à masquer et à dissimuler ce qu’il peuy y avoir de peu cohérent avec le concept d’autonomie intégrale dans le fonctionnement interne d’une telle organisation. De tel les incohérences sont inévitables dans la société d’aujourd’hui et je ne m’en sers pas pour combattre la méthode antifédéraliste, mais il me presse de faire observer que où manquent les formes extérieures de l’organisation, il manque aussi ui moyen important de contrôle pour voir jusqu’à quel moment une telle organisation reste libertaire. Quand au contraire l’organisation est visible, sa substance est dénoncée par la forme

29

it is more amenable to criticism; consequently, one can better fight and eliminate, as far as possible, the anti-libertarian manifestations within it.

Conscious organization is useful because it is the best means, – when it is real and substantial and not only formal – of preventing an individual or a group from concentrating in itself all the work of propaganda and agitation and also becoming the referee of the movement.

The unorganized, or better yet, those who are organized without their own knowledge and who therefore believe themselves to be more autonomous than the others, can better serve as the prey of those organized by the passing speaker, by the most active comrades, the most ambitious group, and the best-made newspaper. They are unconsciously organized by lecturers, agitators and newspapers. As long as these do their work, all is well, but if they make one wrong step . . . good night! Much time may pass before this is recognized. On the contrary, the anarchists who have organized themselves, in already knowing what they are doing because the external forms themselves remind them that they are associated, discuss any proposal with bias, and are thereby less prone to being surprised. Precisely because union creates force, they can oppose a greater force of resistance to the influence of the more intelligent, sympathetic, or active comrades. They know how to be organized, and as we all know, it is more difficult to manipulate a mass of people conscious of their situation than an innumerable quantity of unconscious people.

However, the organized are also only human, and all the virtues of organization cannot prevent them from falling into error. In the current society, the perfect libertarian coherence of an organization is impossible (will it even be possible in anarchy?). To a lesser extent, they also will often open themselves up to the criticism of the purists in theory. Their organization may also more than once assume incoherent aspects and give rise to some manifestations of centralism and authoritarianism.

But their fault, unlike that of the anti-organizationalists, consists in the fact that the motes in their eyes is visible because there is a public organization, whereas the beams in the eyes of the others are not immediately visible –

30

elle se prête mieux à la critique ; on peut en conséquence mieux combattre et éliminer, dans la mesure du possible, en son sein les manifestations antilibertaires.

L’organisation consciente est utile parce qu’elle est le meil­leur moyen, — quand elle est réelle et substantielle et non seu­lement formelle — pour empêcher un individu ou un groupe de concentrer en lui tout le travail de propagande et d’agita­tion et devienne trop l’arbitre du mouvement.

Les non-organisés, ou mieux ceux qui sont organisés sans le savoir et qui pour cela se croyent plus autonomes que les autres peuvent plus être la proie que les organisés du conférencier qui passe, du camarades le plus actif, du groupe le plus entre­prenant, et du journal le mieux fait. Ils sont inconsciemment organisés par le conférencier, l’agitateur et le journal. Tant que ceux-là font du travail tout va bien, mais s’ils prennent une fausse direction... bonne nuit ! Avant de s’en apercevoir il passera beaucoup de temps. Au contraire, les anarchistes qui se sont organisés, en sachant ce qu’ils font déjà parce que les formes-mêmes extérieures leur rappellent qu’ils sont associés, qui discutent avec parti-pris de toute proposition, d’où qu’elle vienne, sont moins exposés aux surprises. Justement parce que l’union fait la force, ils peuvent opposer une plus grande force de résistance à la suggestion des camarades plus intelligents, plus sympathiques ou plus actifs. Ils savent être organisés, et il est reconnu qu’il est plus difficile de manipuler une masse de personnes conscientes de leur situation, qu’une quantité innombrable d’inconscients.

Seulement, les organisés sont aussi des hommes et l’en­tière vertu de l’organisation ne peut les empêcher de tomber dans l’erreur. Dans la société actuelle, la parfaite cohérence libertaire d’une organisation est impossible (sera-t-elle même possible en anarchie?). Eux aussi dans une moindre mesure offriront souvent le flanc à la critique des purs en théorie. Il arrivera aussi à leur organisation d’assumer plus d’une fois des aspects incohérents et de produire quelque manifestation de centralisme et d’autoritarisme.

Mais leur tort, à la différence des anti-organisateurs, consiste dans le fait que la paille qu’ils ont dans l’œil est visible parce qu’il y a une organisation publique, tandis que la poutre placée dans l’œil des autres ne se voit pas immédiatement —

30

which does not prevent them from doing greater damage to the principle of anarchy.

One can never insist enough on this truth: the absence of organization that is visible, normal, and willed by each of its members renders possible the establishment of arbitrary organizations that are even less libertarian, that believe themselves to have vanquished all danger of authoritarianism only by denying their own essence. These unconscious organizations constitute a major danger since they place the anarchist movement at the disposal and the whims of the most cunning and scheming types.

Today, the ensemble of anarchists is disorganized; it is precisely because of this formal disorganization that the mass of comrades experiences intellectual domination without the control of a newspaper editor or a lecturer . . . It is also a form of organization, but one which is less anarchist because it is more centralized and more personal.

We want, in fact, a conscious organization that depends on our will, in order not to be obliged to suffer an unconscious and unavowed organization. Having to make something determinate and specific triumph, there is the need for organizing in fact, not only in name, because there is not only a need of consciousness, but also of quantity. Being numerous does not ruin anything . . . One must not think that we wish to make an antithesis between the terms consciousness and quantity. One can be numerous while being conscious, and as for the rest, even if the conscious ones are very few, helping the less conscious will certainly not make them become unconscious. Not to mention that the least conscious in the organization, through their contact with the conscious, will to a greater or lesser extent acquire the consciousness which they lack, according to their degrees of intelligence and goodwill. Even when one is not organized, is it not the case that many who are drawn into the orbit of an action by a more appealing, intelligent or active individual or group are also unconscious? Only, in such a case, many are those who may be drawn into the field of the struggle in order to help it, who become conscious of the absence of organization thereafter, but who are left in darkness and inertia . . .

Let us be sure we understand what this wondrous “consciousness” is!

If one says to us: “either your organization will draw in only the conscious ones, in which case it will be useless (this is also an error, but . . .

31

 

ce qui ne retire pas que cela fasse un plus grand dommage au principe de l’anarchie.

On n’insistera jamais assez sur cette vérité : l’absence d’organisation, visible, normale et voulue par chacun de ses membres rend possible l’établissement d’organisations arbitrai­res encore moins libertaires, qui croient avoir vaincu tout danger d’autoritarisme seulement en niant leur propre essence. Ces organisations inconscientes constituent un danger majeur puisqu’elles mettent le mouvement anarchiste à la disposition et au service des plus habiles et des plus intrigants.

Aujourd’hui, l’ensemble des anarchistes est désorganisé ; cette désorganisation formelle fait justement que la masse des camarades subit la domination intellectuelle sans contrôle d’un directeur de journal ou d’un conférencier... C’est aussi une forme d’organisation mais moins anarchiste parce que plus centralisée et plus personnelle.

Nous voulons en fait une organisation consciente qui dépen­de de notre volonté, pour ne pas être contraints à subir une organisation inconsciente et inavouée. Devant faire triompher quelque chose de déterminé et de précis, il y a la nécessité de s’organiser de fait, non seulement de nom, parce qu’il n’y a pas seulement besoin de conscience, mais aussi de quantité. Etre nombreux ne gâte rien... Que l’on ne pense pas que nous voulions mettre en antithèse les termes : conscience et quan­tité. On peut être nombreux tout en étant conscients et du reste, même si les conscients sont peu nombreux, se faire aider par les moins conscients ne les fera certainement pas devenir inconscients. Sans compter que les moins conscients, dans l’or­ganisation au contact des conscients, acquièrent la conscience qui leur manque, plus ou moins selon l’intelligence et la bonne volonté. Même quand on n’est pas organisé, n’arrive-t-il pas que beaucoup, attirés dans l’orbite de l’action par un individu ou par un groupe plus sympathique, intelligent ou actif, soient eux aussi inconscients ? Seulement, dans ce cas, nombreux sont ceux qui pourraient être attirés sur le terrain de la lutte, l’ai­der et par la suite devenir conscients de l’absence d’organisa­tion, mais sont laissés dans l’obscurité et dans l’inertie...

Entendons-nous bien sur cette conscience bénie !

Si l’on nous dit : « ou votre organisation ne rassemble que des conscients, elle est alors inutile (erreur là aussi, mais...

31

let us leave that to one side), or it will draw in the unconscious, and then it will be dangerous because it will be diverted from its purpose and become centralized, authoritarian,” etc.

We point out at once that since even those who call themselves anti-organizationalists, in practice, if they do not want to be isolated from life and from the struggle, are obliged to organize themselves, this objection also applies to those who make use of it. However, it is a false objection to begin with. There are no absolutely conscious or unconscious people; consciousness is a relative and multiform thing. There are more conscious and less conscious people; and between the absolute (which is in any case non-existent) of virtue/consciousness and vice/unconsciousness, there is a graduated scale as long as Jacob’s ladder. One can thus be a conscious revolutionary and at the same time a not very coherent anarchist; and an anarchist who is coherent to the point of being a scrupulous fanatic can be the exact opposite of a revolutionary. And yet one as much as the other is useful for anarchy.

In any case, if one of the so-called unconscious people agrees to remain in an anarchist organization and to help us in the struggle, it of will be always go better than if he did not join in; he will be in any event more conscious than those who remain in a state of darkness and inaction, or worse, those who agitate against us, a brute force in the hands of the priest and the chief of police. If organization only served to assemble the maximum number of people (on the contrary, it serves to do so many other things), without taking account of the culture that it diffuses, of the knowledge of ideas which increases among the organized through continuous contact – for that alone it would serve as a factor of individual and collective consciousness.

But the propaganda determined by the organizational anarchists is also a form, a demonstration that prepares for the future society, – a collaboration with an aim of constituting it, a means of influencing the environment and changing conditions. Others also work in the same direction. We want to work in the ways that we believe to be most effective; we choose certain forms of struggle in conformity with our way of seeing and, if one likes, with our temperament. In the end, it is like any other mode of the division of labor.

To be precise: in order to contribute more strongly to the formation of a free society, to influence the proletariat and to throw it

32

laissons) ou elle rassemble des inconscients et alors elle est dangereuse parce qu’elle détourne et devient centralisée, auto­ritaire », etc.

Nous rappelons aussitôt que même ceux qui se disent anti­organisateurs, dans la pratique, s’ils ne veulent pas s’isoler de la vie et de la lutte, sont obligés de s’organiser, l’objection vaut aussi pour ceux qui s’en servent. Pourtant elle est elle-même une fausse objection. Il n’y a pas de conscients ou d’incons­cients de façon absolue ; la conscience est une chose relative et multiforme. Il y a des plus conscients et des moins conscients ; et entre l’absolu (inexistant du reste) de la vertu-conscience et du vice-inconscience, il y a une échelle de graduation aussi longue que celle de Jacob. On peut être ainsi un révolution­naire conscient et en même temps un anarchiste peu cohérent ; et un anarchiste cohérent jusqu’au scrupule bigot peut être directement la négation du révolutionnaire. Et pourtant l’un autant que l’autre est utile à l’anarchie.

Du reste, si un des soit-disants inconscients accepte de rester dans une organisation anarchiste et nous aide dans la lutte, ce sera toujours mieux et autant de gagné que s’il n’y était pas ; il sera de toute façon plus conscient que ceux qui sont dans l’obscurantisme et gisent dans l’inaction, ou pire, mili­tent contre nous, force brute aux mains du prêtre et du chef des carabiniers. Si l’organisation ne servait qu’à faire le nom­bre (et elle sert au contraire à faire tant d’autres choses) — sans tenir compte de la culture qu’elle diffuse, des connais­sances d’idées qui avec le contact continuel augmentent parmi les organisés —, pour cela seulement elle serait utile comme facteur de conscience individuelle et collective.

Mais la propagande déterminée par les anarchistes orga­nisateurs est aussi une forme, une manifestation pour prépa­rer la société future, — une collaboration dans le but de la constituer, un moyen pour influencer le milieu et en changer les conditions. D’autres aussi travaillent en accord à la même œuvre. Nous voulons travailler de la façon que nous croyons la plus efficace, nous choisissons certaines formes de lutte plus conformes à notre façon de voir et si l’on veut à notre tempérament. Après tout, ce sera là un mode comme un autre de la division du travail.

Justement, pour contribuer plus puissamment à la formation d’un milieu libre, pour influencer le prolétariat et le lancer

32

into the fight against capital in the most advantageous and organic way, we who have a special conception of struggle and movement must first understand how, without loss of forces, we can make such a contribution and exert such an influence.

If it draws the proletariat into our ranks, into our party, so much the better; that means that we have learned how to make better propaganda and that we can bring ourselves closer to the revolution and the triumph of anarchy.

Anarchist organization must be the continuation of our efforts, of our propaganda; it must be a source of libertarian counsel that guides us in our action of daily combat. Based on its program, we can spread our action to other camps, to all the special organizations for particular struggles into which we can penetrate and carry our activity and action: for example, unions, anti-militarist societies, anti-religious and anti-clerical groups, etc . . . Our special organization can also be useful as a site for anarchists to gather (not to centralize!) in order to forge the most complete agreement, accord, and solidarity that is possible among ourselves. The more we are united, the less there will be the danger of our becoming involved in inconsistencies and losing our ardor for the struggle, for battles and skirmishes, or of our being divided by others who are not entirely in agreement with us.

And if our organization becomes such not only in name but in fact, if it succeeds in establishing solid and sure bonds of friendship and camaraderie among all anarchists and obtains their active agreement on the principal postulates of our program, then, having already served as a powerful and useful means of preparation, it will also be a powerful and useful means of action. An organization suited to such a goal is not improvised; in waiting for the turn of events to create it instead of thinking of them ahead of time, we will run two dangers – either that of needing to form instant agreements on bases that are neither very certain or libertarian, or that of being taken by surprise, like simpletons, by the events themselves (which, unfortunately, is even more probable).

33

dans la lutte contre le capital de la façon la plus profitable et organique, nous qui avons une conception spéciale de la lutte et du mouvement, nous entendons auparavant nous accorder comment, sans perte de forces, nous pouvons donner une telle contribution et exercer une telle influence.

Si cela attirait le prolétariat dans nos rangs, dans notre parti, tant mieux ; cela signifie que nous aurons bien su faire la propagande et que nous aurions su nous rapprocher de la révolution et du triomphe de l’anarchie.

L’organisation anarchiste doit être la continuation de nos efforts, de notre propagande ; elle doit être la conseillère liber­taire qui nous guide dans notre action de combat quotidien. Nous pouvons nous baser sur son programme, pour diffuser notre action dans les autres camps, dans toutes les organisations spéciales de luttes particulières dans lesquelles nous pouvons pénétrer et porter notre activité et action : par exemple dans les syndicats, dans les sociétés antimilitaristes, dans les regroupe­ments anti-religieux et anti-cléricaux, etc... Notre organisa­tion spéciale peut servir aussi comme terrain de concentration anarchiste (pas de centralisation !) d’accord, d’entente, de soli­darité la plus complète possible entre nous. Plus nous serons unis, moins il y aura de danger à ce que l’on soit entraîné dans des incohérences et dévier de la fougue de la lutte, dans les batailles et les escarmouches, ou autrement les autres qui ne sont en tout et pour tout d’accord avec nous, pourraient nous couper la main.

Et si notre organisation devient telle non seulement de nom mais de fait ; si elle réussit à établir de solides et de sûrs liens d’amitié et de camaraderie entre tous les anarchis­tes et obtient leur entente active sur les principaux postulats de notre programme ; alors elle sera un puissant et utile organe d’action, après l’avoir été de préparation. Une organisation adaptée à un tel but ne s’improvise pas ; à attendre pour la faire les événements au lieu de les prévoir, nous courrons deux dangers, ou de devoir tout d’un coup nous mettre d’accord sur des bases peu sûres et peu libertaires ou de nous laisser surprendre (ce qui malheureusement est même plus probable) comme des nigauds, par les événements eux-mêmes.

33

One of the most often repeated objections to the concept of an organization that would be not only local, but regional and national, through the federalist method, is that it might make us fall into an inconsistency with the anti-authoritarian conception of anarchy.

In order to speak of this blessed coherence, it is necessary that we specify its content! Many are those who possess a “coherence” so elastic that it expands and contracts according to the one who uses it.

One can often apply to the anarchists of the various fractions the saying that Ferrero attributes to savages, to paraphrase loosely: “What I and my friends do is coherent, what those who think differently from me do is incoherent.” And in this way one can excommunicate oneself to infinity, because each one will be able to find a way of showing that his adversary’s ideas are incoherent, and for this reason is not a good anarchist – more especially as the principles of the anarchy that one takes for one’s foundation vary so much in their interpretation from one individual or group to another.

What is the meaning of this “coherence” that is constantly spoken of, especially by those who do nothing, against those who wish to move and to act? It means doing nothing in practice that is in contradiction with theory. A prohibition, as we can see, that the individualists are the first not to recognize, they who scrupulously or rather literally claim the poorly understood “do as you wish” of Rabelais.

So that there is coherence between theory and practice, it is necessary first of all to define the theoretical program within the limits of which practice is to be bounded in order not to contradict it. And our program has been several times said and repeated because we take too long to speak about it.

Anarchy means the absence of government, absence of any authoritarian and violent organization in which, by means of violence and the threat of violence, one obliges men to do what they do not wish to do, and not to do what they wish to do. The absence, thus, not only of the apparatus of government – whose laws prohibit and prescribe what legislators have established – but the absence also of the owner who imposes his will in placing, according to his whim, more or less

34

Une des objections les plus répétées au concept d’organi­sation non seulement local, mais régional et national, faites à l’aide de la méthode fédéraliste peut nous faire tomber dans l’incohérence avec le concept anti-autoritaire de l’anarchie.

Pour parler de cette cohérence bénie, il faut que nous en précisions le contenu ! Nombreux sont ceux qui possèdent la « cohérence », rendue si élastique qu’on l’élargisse et la res­treigne suivant celui qui l’adapte.

On peut souvent appliquer, en le paraphrasant, aux anar­chistes des différentes fractions, la devise connue que Ferrero fait exprimer aux sauvages : « Ce que je fais, moi et mes amis, est cohérent, ce que font ceux qui pensent différemment de moi est incohérent. » Et de cette façon on peut s’excommu­nier jusqu’à l’infini, parce que chacun saura trouver la façon de démontrer que son adversaire est incohérent avec les idées, et pour cela n’est pas un bon anarchiste — d’autant plus que les principes de l’anarchie que l’on prend pour base varient tant d’une interprétation d’un individu et d’un groupe à un autre.

Que signifie cette cohérence que l’on arbore à tout mo­ment, spécialement par ceux qui ne font rien, contre ceux qui aiment bouger et agir ? Cela signifie ne rien faire dans la pra­tique qui soit en contradiction avec la théorie. Une prohibition comme l’on voit, que les individualistes sont les premiers à ne pas reconnaître, eux qui se réclament de façon scrupuleuse ou plutôt au pied de la lettre du « fais ce que tu veux » mal compris de Rabelais.

Pour qu’il y ait cohérence entre théorie et pratique, il faut avant tout que soit défini le programme théorique, dans les limites duquel la pratique s’entoure pour ne pas le contre­dire. Et notre programme a été plusieurs fois dit et redit parce que nous nous étendions trop à en parler.

L’anarchie signifie absence de gouvernement, absence de toute organisation autoritaire et violente pour qui avec la vio­lence et la menace de la violence on oblige l’homme à faire ce qu’il ne veut pas, et à ne pas faire ce qu’il veut faire. Absence donc non seulement de l’organisme gouvernemental — dont les lois interdisent et imposent de faire ce que les législateurs ont établi —, mais absence aussi du patron qui impose sa volonté en donnant selon son plaisir plus ou moins de

34

bread in the mouths of the proletarians; the absence of the priest who pressures everyone to depend on him and particularly pressures the people to obey the government and the owner by means of the moral violence of religion (the threat of a terrible violence, that of hell after death).

Now, for an organization of anarchists to fail to cohere with the principles of anarchy, this organization would have to be opposed to such a program, creating within itself an authority that has the authorization and possibility to violently impose its will or way of seeing on the members over the will of the majority. Anyone can see that in our organizations this is made practically impossible, if not absolutely impossible. How could a community of anarchists authorize one or more persons to impose their will on others? Even on the absurd assumption that they would want to do so (it would then cease to be an association of anarchists by the mere fact that they could want such a thing), where would they ever find the means of constituting an authority that could violently force its subordinates to do what they do not wish to do?

The anarchist revolutionary movement is a struggle against the violent and coercive manifestation of authority. And parties in which such a coercion is not exercised – and so as not to be sophistic, I do not understand by violence only the direct material violence or the threat of material violence through which coercion is exercised – these parties are not authoritarian in practice. To be authoritarian without possessing any instruments of violence can only mean being authoritarian in one’s preconceptions, deliberately, by program and principle.

For example, the republican party, the socialist party, and many workers’ organizations are authoritarian, not really because they exercise a violent authority, and not because they are organized, but simply because their goals are authoritarian, their ideas and their programs admit authority and even claim it as necessary, their methods of political struggle relying on legality and parliamentary politics, on the authority in action that constitutes governments and bourgeois society.

For the anarchists, this is impossible, since an insurmountable barrier separates them from

35

pain aux estomacs des prolétaires ; absence du prêtre qui pousse tous à se pencher vers lui et pousse spécialement le peuple à obéir au gouvernement et au patron, avec la violence morale de la religion (menace d’une violence terrible, l’enfer après la mort).

Maintenant, pour être incohérent, dans une organisation d’anarchistes, avec les principes de l’anarchie il faudrait que cette organisation s’oppose à un tel programme, créant en son sein une autorité qui ait l’autorisation et la possibilité d’impo­ser aux associés avec la violence sa volonté ou voir la volonté de la majorité. Chacun voit que dans nos organisations la chose est rendue pratiquement impossible, pour ne pas dire absolument impossible. Comment voulez-vous qu’une collecti­vité d’anarchistes autorise une ou plusieurs personnes à impo­ser leur volonté ? Dans l’absurde hypothèse qu’ils le voudraient (ce ne serait plus alors une association d’anarchistes par le seul fait que ceux-là voudraient une telle chose) où pour­raient-ils jamais trouver le moyen de constituer une autorité qui puisse contraindre avec la violence ses subordonnées à faire ce qu’ils ne veulent pas ?

Le mouvement révolutionnaire anarchiste est une lutte contre la manifestation violente et coercitive de l’autorité. Et les partis dans lesquels une telle coercition ne s’exerce pas —, et pour qu’elle ne se sophistique pas, je n’entends pas par vio­lence que la violence matérielle directe ou la menace d’une vio­lence matérielle avec qui la contrainte s’exerce —, ces partis ne sont pas autoritaires dans la pratique. Pour l’être, tout en n’ayant pas en soi des organismes violents, il faut qu’ils le soient par parti pris, délibérément, par programme et par prin­cipe.

Par exemple, le parti républicain, le parti socialiste et de nombreuses organisations ouvrières, sont autoritaires, pas vrai­ment parce qu’elles exercent une violente autorité, et non parce qu’elles sont organisées, mais simplement parce que leur but est autoritaire, leurs idées et leurs programmes admettent et même réclament comme nécessaire l’autorité, leurs méthodes de lutte politique s’appuyant à travers le légalitarisme et le parlementarisme, avec l’autorité en action des gouvernements et de la société bourgeoise.

Pour les anarchistes la chose est impossible, du moment qu’une barrière insurmontable les sépare doublement des mi-

35

the governmental and bourgeois worlds alike: namely, our anti-authoritarian ideas and practices, intransigent, extralegal, unparliamentary and revolutionary.

It is rather the same with organization as with so many other things. One has seen the political parties existing until now degenerate, and one found the cause of this degeneracy in the fact that they were organized. But one has exchanged the cause for the effect. Socialist, republican, and working-class organization in general degenerated into authoritarian and legalist forms for the simple reason that it contained in it the seed of so much evil. The very idea that without authority one cannot remain together, this seed was intensively cultivated through the legalist practice of participation in the authoritarian functions of statist and bourgeois organizations.

The anarchist organization has a strong antidote against this evil seed of authoritarianism: unparliamentary and anti-legislative tactics, intransigent towards all government agencies. For that reason I am an intransigent anti-parliamentarian, because as long as anarchists will not yield even an inch – without any pretext of opportunism and temporary utility – their revolutionary spirit may weaken a little for other reasons, but they will always remain anarchist in their hearts and also in their speech; and sooner or later, the revolutionary spirit will re-appear by the pressure of the idea itself. If their organization has as its basis a program that specifies the action, it is not possible for the idea to become authoritarian – since it has neither the need, the possibility, nor the opportunity to do so – without having to completely disavow the idea, along with the entire practice and history of anarchism and the term “anarchy” itself.

To do so, one would have to be infected with prejudice, to completely change direction a priori, to turn away from the theory and the movement, and to declare: we are not anarchist any more.

The organization is not a body, conscious in itself, that guides its members; it is the members who guide themselves according to their own theoretical and practical criteria. The organization cannot change anarchists into non-anarchists; rather, it is anarchists who, in changing themselves, can make the anarchist organization into an authoritarian organization. Very well, as long as the anarchists, while being organized, remain anarchist, preserve the anarchist idea and continue to propagandize for it, and proceed with the tactics

36

lieux gouvernementaux et bourgeois : l’idée anti-autoritaire et la pratique intransigeante, extralégale, antiparlementaire et révolutionnaire.

Il est arrivé avec l’organisation, un peu comme avec tant d’autres choses. On a vu dégénérer les partis politiques exis­tant jusqu’à maintenant et l’on a trouvé la raison dans le fait qu’ils étaient organisés. Mais on a échangé la cause avec l’effet. L’organisation républicaine socialiste et ouvrière en général a subi une dégénérescence dans un sens autoritaire et légaliste pour la simple raison qu’elle contenait en elle le germe de tant de mal. L’idée même que sans autorité on ne puisse rester ensemble, ce germe a été cultivé intensivement avec la pratique légaliste de la participation aux fonctions autoritaires des organismes étatiques et bourgeois.

L’organisation anarchiste possède un fort antidote contre ce germe maléfique de l’autoritarisme : la tactique antiparle­mentaire et antilégislative, intransigeante envers tous les orga­nismes gouvernementaux. Pour cela je suis antiparlementariste intransigeant parce que tant que les anarchistes ne céderont pas même d’une ligne — sans aucun prétexte d’opportunisme et d’utilité momentanée — ils pouront affaiblir un peu, pour d’au­tres raisons, leur esprit révolutionnaire, mais ils resteront tou­jours anarchistes dans l’âme et aussi en parole ; et d’abord ou après l’esprit révolutionnaire resurgira par la poussée même de l’idée. Si leur organisation a comme fondement un program­me qui précise l’action, il n’est pas possible que l’idée devienne autoritaire —, parce qu’elle n’en a pas besoin, ni la possibilité, ni l’opportunité — sans devoir complètement renier l’idée, toute la pratique, toute l’histoire et le terme même de l’anarchie.

Pour le faire, il faudrait être de parti pris, a priori changer totalement de route, faire face à la théorie et au mouvement, et dire : nous ne sommes plus anarchistes.

L’organisation n’est pas un organe conscient en elle-même, qui guide ses membres ; ce sont ces membres qui la font selon leurs propres critères théoriques et pratiques. L’organisation ne peut pas changer les anarchistes en non-anarchistes ; mais plutôt les anarchistes qui en changeant eux-mêmes peuvent rendre l’organisation anarchiste en une organisation autori­taire. Eh bien, tant que les anarchistes, tout en étant organi­sés, restent anarchistes, conservent l’idée anarchiste et conti­nuent à lui faire de la propagande, poursuivent la tactique

36

that have been engaged in up to that point, the fear that the mere fact of organization will result in deviations and inconsistencies will remain unrealistic and completely puerile.

I have already said that it is necessary to conceive of coherence with the idea in a relative manner, as it is necessary to conceive of all things and ideas in a relative manner, because I do not want to exclude, even if it seems impossible to me, the possibility of errors.

In speaking of freedom and the abolition of authority, there are some anarchists who understand this to include the elimination of noncoercive authority, of the moral discipline that appears necessary to unify any number of people, on the ground of a reciprocal pact of shared life and mutual aid.

They do not understand that the absolute freedom of man does not exist, that it is a quite relative thing, determined by and subject to external causes.

It is, in short, the possibility of being able to satisfy all our physical and psychic needs without putting up with any dominance on the part of others. This freedom is impossible without organization.

And note that I do not refer only to the happy times that we will experience in anarchy! I want to say that by organizing, we can enjoy this very day a greater freedom than we could in isolation. United, we can better resist the domination of the owner and of the government; united, we can better satisfy our need for propagandist and revolutionary action; we thus have a vaster field of struggle and greater means at our disposal, which does not prevent us each from doing likewise and better through forms of activity which are essentially individual.

When we affirm the wish to organize ourselves, we also fix the “why” of our organization; it must serve to act where, in isolation or in small numbers, the thing would be more difficult or impossible. Naturally, where the force can suffice for just one, this one, while being organized, acts on his own without the help of others, since his own forces suffice. And likewise, the group does not need the help of the other groups federated with it for what it can accomplish itself.

37

jusque-là soutenue, la peur de déviations et d’incohérences par le seul fait de l’organisation, reste irréaliste et tout à fait pué­ril.

J’ai déjà dit comment il faut concevoir la cohérence avec l’idée de façon relative, comme il faut concevoir toutes les cho­ses et toutes les idées de façon relative, parce que je ne veux pas exclure, même si cela me paraît impossible, la possibilité d’erreurs.

En parlant d’abolition de l’autorité et de la liberté, il y a quelques anarchistes qui entendent aussi l’élimination de l’au­torité non coercitive, de la discipline morale qui apparaît de la nécessité de l’union de plusieurs personnes, sur le terrain d’un pacte réciproque de convivance et d’entraide.

Ils ne pensent pas que la liberté absolue de l’homme n’existe pas, qu’elle est une chose toute relative, déterminée par des causes extérieures et soumises à celles-ci.

Elle est en somme la possibilité de pouvoir satisfaire tous nos besoins physiques et psychiques et de ne supporter aucune prédominance de la part des autres. Cette liberté est impossible sans l’organisation.

Et faites attention, je ne me réfère pas seulement aux temps bien heureux dans lesquels nous vivrons en anarchie ! Je veux dire qu’en nous organisant nous pouvons aujourd’hui même jouir d’une plus grande liberté qu’en étant isolés. Unis nous pouvons mieux résister à la domination du patron et du gouvernement, unis nous pouvons mieux satisfaire notre besoin d’action propagandiste et révolutionnaire, nous avons ainsi un plus vaste champ de luttes et de plus grands moyens à notre disposition, cela ne nous empêche pas à chacun d’expliquer la même chose et mieux les formes d’activité qui sont essentiel­lement individuelles.

Lorsque nous affirmons vouloir nous organiser, nous fixons aussi le pourquoi de notre organisation ; celle-ci doit servir à agir là où isolés ou en petit nombre la chose serait impossible et moins facile. Naturellement, là où peut suffire la force d’un seul, celui-ci, tout en étant organisé, agit de lui-même sans recourir aux autres, ce pourquoi ses forces suffisent. Et de même le groupe ne recourt pas aux autres groupes fédérés avec lui pour ce qu’il peut réaliser de lui-même.

37

Any libertarian organization emerges insofar as there is a need to unite in a group to achieve a given goal; to create other groups, to federate with other groups, and so on.

One objects to us that any community is likely to be divided into majority and minority, and that in many cases the organization will make it so that the minority must be subjected to the majority. On the contrary, we do not admit domination of this kind, and for this reason we give neither the majority nor the minority the right nor the means to impose its will.

Certainly, a division of opinion and opinions may emerge. If discord emerges over fundamental ideas and tactics, it is necessary that the two parties separate, since they now constitute two distinct parties. Thus, we anarchists, when the difference appeared too great and irremediable, divided ourselves from the International of the authoritarian socialists.

On the other hand, if there are divisions on questions of little importance, which do not concern the general movement and its general ideas, each one may think and act outside of the organization in his own way, without posing any obstacle to the common work of the organization itself.

But if it is at the very heart of the organization that dissension appears, that division into a majority and minority occurs with regard to secondary questions, questions of practical methods, concerning special cases, then one cannot cry inconsistency to the one or the other; the more easily the minority yields to doing as the majority wishes. And as this condescension can be only voluntary, any character of authority and of coercion is lacking. If the party wishes to hold a congress and all are unanimous in wanting to bring together anarchists of the whole world, if there are differences only concerning the place to hold the gathering, some proposing Rome and others Paris, it will be necessary that or one or the others yield. And naturally they will yield, if they have a strong enough need and desire to gather; as it is natural that those who yield be less numerous, since even they will be the of the opinion that it is preferable for the general economy of forces, that it should be a minority rather than a majority that accepts a given disadvantage.

38

Toute organisation libertaire apparaît dans la mesure où il y a nécessité de s’unir en groupe pour réaliser un but donné ; pour en réaliser d’autres, de fédérer les groupes entre eux ; et ainsi de suite.

On nous oppose que toute collectivité est susceptible de se diviser en majorité et en minorité, et qu’en de nombreux cas l’organisation fera en sorte que la minorité doive se sou­mettre à la majorité. Au contraire, nous n’admettons pas de domination de ce genre, et pour cela nous ne donnons ni à la majorité, ni à la minorité le droit ni les moyens de pouvoir s’imposer.

Certainement, une division d’avis et d’opinions peut sur­gir. Si la discorde naît sur les idées et la tactique fondamen­tale, il est nécessaire que les deux parties se séparent, puisqu’elles constituent maintenant deux partis distincts. Ainsi nous, anar­chistes, quand la différence est apparue irrémédiable et trop grande, nous nous sommes divisés au sein de l’Internationale des socialistes autoritaires.

Au contraire, s’il y a des divisions sur des questions de peu d’importance, qui n’intéressent pas le mouvement et les idées générales, chacun pense et agit hors de l’organisation à sa façon, sans faire obstacle au travail commun de l’organisation elle-même.

Mais si c’est au sein-même de l’organisation que le désac­cord apparaît, que la division en majorité et en minorité sur­vient pour des questions secondaires, sur des modalités prati­ques, sur des cas spéciaux, alors on ne pourra crier à l’incohé­rence de l’une ou de l’autre ; plus facilement la minorité se plie à faire comme veut la mojorité. Et comme cette condescen­dance ne peut être que volontaire, tout caractère d’autorité et de coercition est absent. Si le parti veut faire un congrès et que tous soient unanimes pour vouloir se retrouver ensemble entre anarchistes du monde entier, qu’il y ait seulement dif­férence sur le lieu où se rassembler, les uns proposant Rome et les autres Paris —, il faudra bien que ou les uns ou les autres cèdent. Et naturellement ils céderont, si est fort en eux le besoin et le désir de se rassembler ; comme il est naturel que ce soit d’abord les moins nombreux qui cèdent, puisque même ceux-là seront de l’opinion qu’il est préférable pour l’économie générale des forces, que ce soit une minorité plutôt qu’une majorité à supporter un inconvénient donné.

38

It is a known fact that the adversaries of federal organization, in opposition to us, declare themselves “autonomists,” and call their groups “autonomous”; it is wise to recall once and for all that we are autonomists, i.e. in favor of individual autonomy within the groups, and of autonomous groups within the federation and the party. We must repeat this in order to dispel, even in the linguistic forms, the least apparition of the formalism with which we are reproached.

This term, “formalism,” is employed wrongly by our opponents: either it means the need to give form to ideas and to the struggle, which is so natural that everyone is forced to resort to it, or it means the worship of forms to the neglect of contents, in which case we anarchists do not deserve this reproach, which is unjustified by any positive fact.

Precisely such vague charges of “formalism,” of “authoritarianism,” of “artificialism” comprise the polemical armory of the adversaries of organization. And these abstract words have a meaning so broad and a range of interpretations so vast that one can launch them against any adversary against whom one has no other arguments to put forward. They create a certain effect, and one is always embarrassed to have to defend oneself from this charge; they can be used by whoever is able to make use of them first. But they are meaningless words, since nobody specifies which formalism, which authoritarianism is really harmful and opposed to anarchist doctrines, and which is possible in an anarchist organization. It is thus not the vague scarecrow of formalism, but certain specific authoritarian forms of organization, forms we know quite well, that we must combat amongst ourselves as well as in the critique of other parties. These forms are so visible, that there is no danger of their seducing even the least conscious of anarchists – much less an anarchist community.

A serious reproach made against anarchist federal organization is that it is “artificial.” But everything that is made, everything that human beings do, except for completely instinctual movements, is artificial; because natural things are not enough, and are often dangerous. Lightning is natural, but we prefer to use artificial lightning rods against it, and although cancer and tuberculosis are natural thousands of doctors exhaust themselves seek-

39

II est connu le fait que les adversaires de l’organisation fédérale, par opposition à nous, se déclarent autonomistes, et appellent autonomes leurs groupes ; il est bon de rappeler une fois pour toutes que nous sommes autonomistes, c’est-à-dire partisans de l’autonomie individuelle dans les groupes, et des groupes autonomes dans la fédération et dans le parti. Cela pour éviter, même sous les formes linguistiques, les dernières apparences de formalisme que l’on nous reproche.

Ce terme de formalisme est employé à tort à notre encon­tre : ou il veut dire besoin de donner forme aux idées et à la lutte, et cela est tellement naturel que tous au monde sont contraints d’y recourir ; ou alors elle signifie adoration des for­mes avec négligence de la substance, et alors nous, anarchistes, ne méritons pas ce reproche, non justifié par aucun fait posi­tif.

Ce sont justement ces vagues accusations de « formalis­me ,” d”« autoritarisme », d’« artificialisme » qui forment le patrimoine polémique des adversaires de l’organisation. Et ces paroles abstraites ont une signification aussi large et une inter­prétation aussi vaste qu’on peut les lancer contre n’importe quel adversaire, contre qui on n’ait pas d’autres arguments à faire valoir. Elles font un certain effet, et on est toujours embarrassé à s’en défendre ; elles sont utiles à celui qui a l’habilité de s’en servir en premier. Mais ce sont des paroles vides de sens, du moment que personne ne précise quel formalsime, quel autorita­risme est vraiment nocif et contrastant avec les doctrines anar­chistes, et possibles dans une organisation anarchiste. Ce n’est donc pas l’épouvantail vague du formalisme, mais certaines for­mes autoritaires et déterminées d’organisation que nous connais­sons bien, que nous devons combattre en nous comme dans la critique des autres partis. Ces formes sont tellement visi­bles, qu’il n’y a pas à craindre qu’elles séduisent le moins conscient des anarchistes —, encore moins une collectivité anarchiste.

Un grave reproche que l’on fait à l’organisation fédérale des anarchistes est d’être « artificielle ». Mais toutes les choses qui se font, qui sont faites par les hommes, excepté les mou­vements totalement irréfléchis, sont artificiels ; parce que les choses naturelles ne suffisent pas, et sont souvent dangereuses. La foudre est naturelle, mais contre elle nous préférons adop­ter l’artificiel paratonnerre, et malgré que le cancer et la tuber­culose soient naturels des milliers de médecins s’épuisent à cher-

39

ing an artificial means to cure them. And it is good that they do so. Propaganda is also an artificial thing; moreover, the more it is done artfully, the more fruitful it shall be. Why couldn’t there exist an organization with an aim of propaganda, since this can become more important?

All the fears of the anti-organizationalists pertain to form, artifice, method; they observe that a form of organization, a name, a method were adopted by our enemies and they conclude some by the judgment in block from those. They do not succeed in making the very simple reasoning which a many these forms, of these terms and these methods are inoffensive in themselves, and have of another value only that of the contents. Give them anarchist contents and they will be in perfect coherence with anarchy. There also exists, naturally, of the forms which do only one with the substance, and they are or are not anarchist; but it is not the case of the organization which is not enough for the appearance of an authority and on the contrary made up of anarchists it is an obstacle.

One finds another reason for inconsistency in the alleged ease with which in the organization, the individuals who are the most intelligent, attractive, active or even . . . the best at cheating can become true authorities over the mass, presenting a danger of deviations. I demonstrated earlier that this danger is greater among the non-organized and that, on the contrary, organization serves to fight against and not to facilitate such a danger.

In any event, the danger remains, even if it is reduced and even if the determining element is not organization per se. But is there a true inconsistency with the anarchist idea in this? I do not believe so, because if it were, then anarchy would be impossible. Men will be never be completely mentally and physically equal, and even if certain enormous disparities tend to disappear, there will always be talented and mediocre people, active and inactive, appealing and unappealing – some will always have an indisputable moral superiority over others, and perhaps all the more so when there are no more material tyrannies.

40

cher un moyen artificiel pour les guérir. Et ils font bien. La propagande elle aussi est une chose artificielle ; au contraire plus elle est faite avec art, d’autant plus elle est profitable. Pourquoi ne pourrait-il pas exister une organisation dans un but de propagande, du moment que celle-ci peut devenir plus importante ?

Toute la peur des anti-organisateurs vient de la forme, de l’artifice, de la méthode ; ils observent qu’une forme d’orga­nisation, un nom, une méthode ont été adoptés par nos enne­mis et ils en concluent par la condamnation en bloc de ceux-ci. Ils ne réussissent pas à faire le très simple raisonnement que nombre de ces formes, de ces termes et de ces méthodes sont inoffensifs en eux-mêmes, et n’ont d’autre valeur que celle du contenu. Donnez-leur un contenu anarchiste et ils seront en parfaite cohérence avec l’anarchie. Il existe aussi, naturelle­ment, des formes qui ne font qu’un avec la substance, et elles sont ou ne sont pas anarchistes ; mais ce n’est pas le cas de l’organisation qui ne suffit pas pour l’apparition d’une autorité et au contraire composée d’anarchistes elle en est un obstacle.

On trouve un autre motif d’incohérence dans la préten­due facilité que dans l’organisation les individus plus intelli­gents, plus sympathiques, plus actifs ou voire... plus fourbes peuvent devenir de véritables autorités sur la masse, présen­tant le danger de la faire dévier. J’ai démontré plus haut que ce danger est plus grand parmi les non-organisés et qu’au contraire l’organisation sert à combattre et non à faciliter un tel danger.

De toute façon, le danger reste, même s’il est réduit et même si l’élément déterminant n’est pas l’organisation. Mais y a-t-il là une véritable incohérence avec l’idée anarchiste ? Je ne crois pas, parce que si c’était ça, l’anarchie serait impos­sible. Les hommes ne seront jamais psychiquement et physique­ment tout à fait égaux et même si certaines disparités énormes tendent à disparaître, il y aura toujours des hommes de talent et des hommes médiocres, actifs et inactifs, sympathiques et antipathiques — les uns auront toujours sur les autres une indiscutable supériorité morale, et peut-être plus quand il n’y aura plus de tyrannies matérielles.

40

Since anarchy is the positive aspiration to battle, since it is the destruction of material tyrannies, it has nothing to oppose to moral authorities other than science. Science in itself represents a source of moral authorities. Who, in an anarchist society, would not recognize the authority of the doctor concerning hygiene and that of the architect concerning the construction of a wall? Thus, there will be the moral authority of the man of genius, the man of sympathy, the active man, etc, anarchy not thereby ceasing to exist, since neither the doctor, nor the architect, nor the brilliant or active man, nor the cheater will be able to put forward their authority when the others do not want to undergo it. The anarchist social organization will not place at their disposal any means of coercing the will of others. This phenomenon will certainly entail disadvantages, but . . . we never said that in anarchy there will be no more disadvantages of this kind and that life will turn into a terrestrial paradise.

We do not dream of denying that anarchist organizations in today’s society may present several disadvantages. However, they are not the product of organization, because without it, one would experience greater disadvantages, as one does now. They do not represent an inconsistency with the anarchist idea in and of themselves.

“But what about offices?” somebody will object. “In anarchist organizations, we see the nomination of executive committees, commissions of correspondence, secretaries, etc.; are these not real authorities, miniature governments?” I answer no, above all because they have no means of imposing their will on those associated, since they intend to do what they have been authorized to do. They are not authorities, because if they were, the existence of civil and human society would not be possible.

In all life in common, there exists the division of labor among those who associate; some of them must take care of social functions necessary and useful to all. These functions are authoritarian today, because they are exercised mainly by authoritarian organizations; but they themselves are not authority.

Many fall into the following ambiguity: they see an indisputably useful function exerted in a dominatory and bad way by government or by the capitalist; they conclude that the origin of this bad thing and this

41

L’anarchie comme aspiration positive de bataille, c’est la destruction des tyrannies matérielles, elle n’a rien d’autre à opposer aux autorités morales que la science. La science en elle-même représente une source d’autorités morales. Qui ne reconnaîtra pas en anarchie l’autorité du médecin pour l’hy­giène et de l’architecte pour les constructions murales. Ainsi il y aura l’autorité morale de l’homme de génie, de l’homme sympathique, actif, etc., l’anarchie ne cessant pas pour cela d’exister, du moment que ni le médecin, ni l’architecte, ni l’hom­me génial ou actif, ni le fourbe ne pourront faire valoir leur autorité quand les autres ne voudront pas la subir. L’orga­nisation sociale anarchiste ne mettra à leur disposition aucun moyen de contraindre la volonté d’autrui. Ce phénomène appor­tera certainement des inconvénients, mais... nous n’avons ja­mais pensé qu’en anarchie il n’y aura plus d’inconvénients de ce genre et qu’alors on retournera au paradis terrestre.

Nous ne rêvons pas pour affirmer que dans les organisa­tions anarchistes, au sein de la société d’aujourd’hui, ne peu­vent pas se présenter plusieurs inconvénients. Au contraire, ils ne sont pas le fruit de l’organisation, parce que sans celle-ci on en aurait, comme on en a plus. Ils ne représentent pas en eux-mêmes une incohérence avec l’idée anarchiste.

« Mais les charges sociales ?, nous objectera-t-on, dans les organisations anarchistes nous assistons à la nomination de comités exécutifs, de commissions de correspondance, de secré­taires, etc. N’est-ce pas là de véritables autorités, de petits gouvernements ? ». Je réponds non, avant tout parce qu’ils n’ont aucun moyen pour imposer aux associés leur volonté, étant donné qu’ils entendent faire que ce auquel ils furent autorisés. Ce ne sont pas des autorités, parce que si c’en était, l’existence de la société civile et humaine ne serait pas possible.

Dans toute convivance il existe la division du travail parmi les associés ; et certains d’entre eux doivent se charger de fonctions sociales nécessaires et utiles à tous. Ces fonctions ont aujourd’hui un caractère autoritaire, parce qu’elles sont exer­cées en grande partie par des organismes autoritaires ; mais elles ne sont pas l’autorité.

Beaucoup tombent dans l’équivoque suivant : ils voient une fonction indiscutablement utile exercée d’une manière domi­natrice et mauvaise par le gouvernement ou par le capitaliste ; ils concluent que l’origine de cette mauvaise chose et de cette

41

domination is the function and they demand that it be suppressed. And I believe that no anarchist will maintain that in anarchy one will have to abolish the mail service or the railways simply because today the post office and the railroads are run in a despicable manner by the capitalist State. What applies to the future society, applies to anarchist organizations, which delegate some of their members to accomplish a specific function, not to exercise a power. Delegation of functions, not delegation of powers. One cannot do more than delegate functions, as long as all the comrades within a circle cannot be the treasurer or the secretary at the same time, and not all can perform a given role when just one is enough.

The need for these assignments of roles expands and becomes stronger when the organization is more important and its field of activity broader. But to remove any danger of authoritarianism, it is enough to carefully limit and define the functions that must be fulfilled; to specify that they can act in the name of the association only when its members have authorized or consented to this; that they must carry out what the members decide and not dictate the path to be followed to the members. Thus, even the most remote suspicion of inconsistency is removed.

If so much as a larva of authority can never personify itself in these representatives of the association, one can always speak of moral authority without the danger that it can transform into a de facto coercive authority. Such an authority could never be as strong as that which an active and intelligent comrade can develop in a disorganized setting. It is almost the case today in bourgeois associations that a treasurer, a secretary or an executive committee – even if they are emphasized in the newspapers – have practically no power in reality. Why should one suppose it possible in an anarchist association? Isn’t it a useless doctrinary sophism in this case?

It is silly to say that the anarchists want to organize in order to ape the authoritarian parties, because they believe that these owe their progress to the fact of being organized.

The truth is that the authoritarian parties not only made progress in the manner of being organized, but also in the organization itself; one does not exclude the other,

42

domination est la fonction et ils en demandent la suppression. Et je crois qu’aucun anarchiste ne soutiendra qu’en anarchie on devra abolir le service postal ou ferroviaire, seulement parce qu’aujourd’hui la poste et les chemins de fer sont exercés de façon infâme par l’Etat capitaliste. Ce qui vaut pour la société future, vaut pour les organisations anarchistes, lesquelles délè­guent quelques-uns de leurs membres pour accomplir une fonc­tion déterminée, non pour exercer un pouvoir. Délégation de fonction, non délégation de pouvoir. On ne peut faire plus que la délégation de fonction, du moment que dans un cercle tous les camarades ne peuvent être en même temps le trésorier ou le secrétaire, et tous ne peuvent se mettre à réaliser une fonction donnée à laquelle suffit un seul.

La nécessité de ces mandatements s’élargit et devient plus fort lorsque l’organisation est plus importante et son champ d’activité plus large. Mais il suffit de supprimer tout danger d’autoritarisme, de limiter et de bien définir les fonctions qu’ils doivent accomplir ; qu’ils ne puissent agir au nom de l’association que lorsque ses membres les en aient autorisés ou soient consentants ; qu’ils doivent exécuter ce que les asso­ciés décident, et non dicter aux associés la voie à suivre. Ainsi, la plus lointaine suspicion d’incohérence est éloignée.

Si jamais une larve d’autorité puisse se personnifier dans ces représentants d’association, on parle toujours d’autorité morale sans danger qu’elle puisse se transformer en autorité coercitive dans les faits. Une telle autorité ne pourra jamais être aussi forte que celle que peut développer dans un milieu désorganisé un camarade actif et intelligent. Aujourd’hui c’est jusque dans les associations bourgeoises qu’un trésorier, un secré­taire ou un comité exécutif — même s’ils sont mis en avant dans les journaux — n’ont en réalité pratiquement aucun pou­voir. Pourquoi veut-on le supposer possible dans une associa­tion anarchiste ? N’est-ce pas là un inutile sophisme doctri­naire ?

C’est une bêtise de dire que les anarchistes veulent s’or­ganiser pour singer les partis autoritaires, parce qu’ils croient que ceux-là doivent leur progrès au fait d’être organisés.

La vérité c’est que les partis autoritaires ont non seule­ment fait des progrès dans la façon d’être organisés, mais aussi dans l’organisation en elle-même ; l’un n’exclut pas l’autre

42

and unity of any kind is always an appreciable force.

It is true that organization does not possess a magic life, but it can add to its members’ force and capacity for action provided that these are “men and not sheep.” An organization created by anarchists with an anarchist goal, whatever term it may use to define itself, old or new, does not presuppose in itself any intrinsically authoritarian spirit. It will owe the progress it makes only partly to the organization because it follows the libertarian idea; in the same way that the authoritarian parties, after having made so much progress with the aid of organization, now start to regress not because of the organization, but simply because their goal was in their deliberately authoritarian and anti-revolutionary means and ends.

Thus, for example, the insurrection will be useful for the revolution, but there can also be reactionary insurrections. Insurrections have been made by Sanfedists [ultra-religious reactionaries] or in favor of the Bourbons, but was there in this any reason for Italian patriots to deny the utility of insurrection for the liberation of the fatherland from foreigners? Organization and its forms serve authoritarians, but no contradiction prohibits us from making use of it ourselves.

All the difficulties in the content reside in the denominations; some do not like the term “party,” others that of “organization.” Thus some exclaim over the fact that anarchists constituted a federation of Latium and want to form an Italian federation, that there are German anarchist federations and parties, Dutch, Bohemian, etc. As if one meant in this way to recognize the principle of nationality! But that is really formalism, and worse! . . .

In no way does the concept of federal organization of individuals into groups, and of groups into regional, national and international federations, contradict anarchism’s principles of freedom.

This coherence with the libertarian method within bourgeois society is not reserved for anarchist

43

et l’union quelle qu’elle soit est toujours une force appré­ciable.

L’organisation ne possède pas, il est vrai, une vie magi­que, mais elle peut ajouter force et capacité d’action à ses adhé­rents pourvu que ceux-là soient « des hommes et non des mou­tons .” Une organisation faite d’anarchistes dans un but anar­chiste, quel que soit le terme sous lequel elle se définit, vieux ou neuf, ne présuppose en soi aucun esprit autoritaire inhérent. Elle devra le chemin qu’elle fera seulement en partie à l’orga­nisation parce que suit l’idée libertaire ; de la même façon que les partis autoritaires, après avoir fait tant de chemin à l’aide de l’organisation, commencent maintenant à reculer non à cause de l’organisation, mais simplement parce que leur but était dans le moyen et dans la fin délibérément autoritaire et anti-révolutionnaire.

Ainsi, par exemple, l’insurrection sera utile à la révolution, mais il peut aussi y avoir des insurrections réactionnaires. Il y a eu des insurrections sanfédistes ou pour les Bourbons, mais était-ce là une raison pour que les patriotes italiens nient l’utilité de l’insurrection pour la libération de la patrie de l’étranger ? L’organisation et ses formes sert les autoritaires, mais il n’y a rien de contradictoire qui nous interdise de nous en servir aussi.

Toutes les difficultés dans le fond résident dans les déno­minations ; aux uns ne plaît pas le terme de « parti ,” aux autres celui d’« organisation ». Ainsi certains ont trouvé à redire du fait que des anarchistes aient constitué une fédération du Latium et veulent en former une italienne, qu’il y ait des fédé­rations et des partis anarchistes allemands, hollandais, de Bohème, etc. Comme si l’on voulait de cette façon reconnaître le principe de nationalité ! Mais cela est vraiment du forma­lisme, et du plus mauvais !...

En aucune façon le concept de l’organisation fédérale d’in­dividus en groupes, et des groupes en fédérations régionales, nationales et internationales, est contradictoire avec les prin­cipes de liberté de l’anarchisme.

Cette cohérence avec la méthode libertaire au sein de la société bourgeoise n’est pas réservé aux organisations anarchis-

43

organizations. There also exists and can exist associations composed by non-anarchists that are libertarian in their manner of operation, which does not harm but, on the contrary, facilitates their particular goal. Reclus found examples of libertarian groups among primitive peoples who do not govern themselves in true anarchy; Peter Kropotkin speaks to us of libertarian associations among animals, savages, and artisans, as well as in medieval cities. To show the existence in modern society of a strong tendency towards communism and anarchy, Kropotkin and Elisée Reclus provide many examples of associations, commercial, industrial, philanthropic, scientific and artistic, which, while having a goal quite distinct from the anarchists’, are in their internal organization exactly or nearly libertarian. If such a possibility is not excluded for non-anarchist individuals who have associated for absolutely bourgeois goals, why should we exclude it for ourselves? Why should we who are anarchist and who set for ourselves a fundamentally anti-bourgeois and anti-authoritarian goal deny for ourselves the possibility of associating on libertarian bases?

Autonomy and organization are far from being contradictory terms: on the contrary, they express with precision the concept that the anarchists have of individual and society. “Autonomy and federation are the two great formulas of the future,” says our friend Charles Malato (5); “from now on, it is in this direction that social movements will turn.” And that way, too, turns our idea, because we think that organization finds in the form of the federation the best way to develop itself in a genuinely anarchist direction.

Rome, June 15, 1907.

(5) C. Malato: “Philosophie de l’Anarchie” (édition P.V. Stock, Paris), p. 185.

44

tes. Il existe et il peut exister des associations composées aussi par des non-anarchistes, qui dans leur fonctionnement inter­ne soient libertaires, cela ne nuit pas au contraire, facilite leur but particulier. Elle Reclus a trouvé des exemples de regroupements libertaires chez des peuples primitifs qui ne sont pas régis en véritable anarchie ; Pierre Kropotkine nous parle d’associations libertaires parmi les animaux, les sauvages, les artisans, et dans les communes du Moyen-âge. Pour démontrer l’existence dans la société moderne d’une forte tendance au communisme et à l’anarchie, Kropotkine et Elisée Reclus ap­portent de nombreux exemples d’associations commerciales, industrielles, de bienfaisance, scientifiques et artistiques, qui tout en ayant un but tout autre qu’anarchiste, sont dans leur organisation interne exactement libertaires ou presque. Si une telle possibilité n’est pas exclue pour des individus non-anar­chistes, associés pour des buts absolument bourgeois, pourquoi devrions-nous l’exclure pour nous ? Pourquoi devrions-nous nier la possibilité de nous associer sur des bases libertaires, pour nous qui sommes anarchistes et qui nous proposons un but essen­tiellement anti-bourgeois et anti-autoritaire ?

Autonomie et organisation sont loin d’être des termes contradictoires : au contraire ils expriment avec précision le concept que les anarchistes ont de l’individu et de la société. « Autonomie et fédération sont les deux grandes formules de l’avenir — dit notre ami Charles Malato (5) — à partir de maintenant c’est sur cette direction que s’orienteront les mou­vements sociaux. » Et c’est là aussi notre idée, car nous pen­sons que l’organisation trouve dans la forme fédérative la meilleure façon pour s’expliquer dans un sens vraiment anar­chiste.

Rome, 15 juin 1907.

(5) C. Matato : « Philosophie de l’Anarchie » (édition P.V. Stock, Paris), p. 185.

44